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Message par chapati Dim 18 Aoû 2019 - 10:23

Au Tibet, c'est un génocide.

Un génocide mémoriel : c'est la mémoire des hommes qu'on assassine. C'est pas la mondialisation cette fois, c'est ou plutôt c'était la Chine. Le résultat est le même, on raye de la carte toute autre façon de vivre et de penser. Tout comme les esclaves africains déculturés en Amérique (ou les autochtones d'origine), les tibétains ne résisteront pas à l'envahisseur. En restera ici ou là quelques reliques, sous forme d'enclaves territoriales. Sarkozy disait que l'Afrique n'est pas entrée dans l'histoire, il eût fallu dire que leur histoire, on la leur avait volé ! Au Tibet ne restera qu'un cirque sinistre, à la manière des expositions universelles de jadis, où l’on exposait des corps nus, noirs et nus. Au Tibet comme ailleurs, l'indigène paré de masque cérémoniel mimera une mémoire oubliée au rythme des cliquetis d'appareils photo de touristes subjugués.

C'est qu'il faudrait dire comment ils étaient magnifiques, les tibétains... avant.

La mémoire, c'est vivant ou ce n'est pas. Mélenchon peut bien agiter le spectre de la théocratie, on s'en fout de ses divagations sur le progrès, de ses croyances et autres bonnes raisons. Comme si tout ça ne nous avait pas amené mille fois dans le mur. Epiloguer sur l'anachronisme d'une théocratie, c'est réduire l'histoire de l'homme à celle des états, ça n'a aucun de sens. Certes le politique participe aux modes de vie, mais l'intéressant c'est que ces modes de vie reflètent ce que peut être un homme dans un rapport à un environnement (qui ne peut se résumer au politique). Le tibétain, c'est l'homme dans un contexte. Et celui d'avant que les chinois ne tuent son mode de vie, sa mémoire.

En ces temps de doute et de quête de sens derrière lequel l’occident s'éparpille, c’est peu dire que ces vies auraient des choses à nous dire. Mais le blanc, l'état ou la mondialisation s'en fout de ces témoignages, il sait. Universel est le nom de son cher village global, universel à l'image de sa prétention. La mémoire tibétaine, au moins au même type que d'autres (africaine, indienne ou nabikwara) est une expérience de vie et un mode de penser inestimable, et déjà parce qu'on ne reproduira jamais plus ces milliers d'années qui en ont fait ce qu'elle est. Le tibétain ou l'afghan finiront en mythe. Quelque part, j'ai écrit que l'afghan était fier et le tibétain chaleureux. Mais fierté ou chaleur ne suffisent pas à les définir, bien sûr. Les images ne suffisent pas à dire l'incarnation qui les porte. Mais ça n'empêchera pas l'un ou l'autre de dire connaître la fierté ou la chaleur de l'homme. Foutaises. Et de plus, il s'agit d'un peuple : c'est pas rien ! Les vécus et leur diversité ce sera encore et toujours rien face aux mots, comme si l'expérience ne comptait pas, comme si celles des peuples n'étaient pas différentes les unes des autres, comme si de toutes façons tout devait être forcément pareil à la fin : l'homme, l'homme, l'homme. Moi moi moi.

Les richesse de l'humain seront détruites au nom de l'universalisme des petits bonhommes gris en attaché-case (et affiliés). Et puis ce sera notre tour, forcément. Quand les civilisations auront disparues et qu'on sera désespérément seuls avec notre putain de norme universelle, tel des ours blancs isolés (et affamés) sur un coin de banquise. Plus d'afghan pour savoir démantibuler une armée, plus de tibétain pour irradier la chaleur des hommes (peut-être parce que le premier voisin est à deux jours de marche, oui peut-être, mais quelle importance). Au Tibet en tous cas, l'homme avait cette forme-là. Il ne l'aura plus. Et à la fin on sera tous immergés dans une histoire unique, qualifiée d'universelle, une minable petite histoire mafieuse en fait, où il s'agissait juste pour quelques uns de s'en foutre plein les fouilles et de tordre le monde jusqu'à ce qu'il convienne à leur pathologie. Telle sera donc l'Histoire du Monde. Oui, telle sera l'Histoire du Monde. Et de toutes ces mémoires de l'homme ne restera que des mythes réduits à des folklores par l'expertise de quelques singes diplômés.

Intacts, intacts à donner le vertige. Les tibétains. J'ai essayé ailleurs de dire la fierté qui chez l'afghan résistait à tout. Résister oui. Comment dire la chaleur du tibétain, leur résistance à eux ? Comment dire combien ils étaient magnifiques. Dire leur sourire, dire leur présence, dire la chaleur, dire l'amitié. L'amitié, voilà : amicaux ou rien. C'est le genre de sentiment qu'on avait à les côtoyer. Peut-être qu'en dehors de l'amitié, il n'y a que du vent au Tibet : du vent et des esprits qui soufflent. Alors oui il faut témoigner. Par exemple de comment les tibétaines vous regardaient droit dans les yeux, avec rire et malice dans les leurs. Patriarcal machiste le Tibet, t'es bien sûr Mélenchon ? Bizarre pour une société qui pratique la polyandrie, non ? Mais si : un homme pouvait certes épouser toutes les sœurs d'une famille, mais une femme pouvait de même épouser tous les frères, quelque part ailleurs. Bizarre pour une société macho ! Ailleurs c'est dans l'isolement d'une semaine de marche pour trouver mari ou femme. Ils s'organisaient comme ils pouvaient. Sinon pas de descendance, et un village un hameau une famille des champs des troupeaux disparaissaient. Pas vraiment de la théorie...

Le tibétain ? Juste quelqu'un de bien. En charme et en gentillesse. Gentil comme un indien mais épuré de la folie magique et infernale de l'Inde. C'est pas la théocratie qui était au pouvoir camarade Méluche, c'est la gentillesse. Chez nous, elle est superflue, elle ne répond plus vraiment aux nécessités sociales. Ailleurs c'est une tradition : une mémoire. On joue pas. Enfin pas pareil. Et c'est ça qu'on tue, la gentillesse. Les népalais par exemple, peuple incroyablement pacifique. J'en ai vu incrédules et désarçonnés devant l'agressivité, comme si cette façon d'être leur était totalement étrangère, inconnue en fait. Ce coup-là, c'est des charlots idéologiques qui sont venus régler son compte à la gentillesse. Ils ont fait rêver les types sur les beautés d'une révolution démocratique (maoïste en fait), jusqu'à transformer sans doute les plus pauvres et désœuvrés en apôtres de la guérilla. C'est fait. La démocratie règne aujourd'hui. Alleluia.

Et sûrement que des experts, un jour, stats en main, auront le culot de nous faire un speech sur l'ancienne violence du népalais. Ils nous expliquerons comment la scolarisation, l’égalité des hommes et des femmes, le droit des enfants ne pouvaient faire autrement que "ça aille mieux". Et personne n'étant contre le droit des femmes ou des enfants, on ne pourra rien répondre à ce baratin... sauf qu'il est théorique. Et que dans la pratique, ce qu'ils racontent c'est pas vrai ! Le Népal, c'était un havre de douceur et basta ! Déjà c'est pas vrai que ces gens sont au moyen-âge, et pour la raison simple que leur supposé moyen-âge c'est pas le nôtre, parce que leur histoire, c'est pas la nôtre. D'ailleurs si on reprenait leur termes, on verrait bien que le moyen-âge afghan n'a rien à voir avec le moyen-âge indien. Mais bref. Quant à prétendre les en sortir, de ce fameux moyen-âge, on est juste dans la répétition absolue du discours colonisateur de jadis. Les blancs n'apprendraient-il rien ? La Shoah, c'était pas au Népal que je sache !

Or elle est mythifiée aujourd'hui, la Shoah. On ne viendra donc jamais à bout des causes. On nous dit que "c'est le mal absolu". Du coup il est interdit de donner une explication, pour cause que ce serait trop d'arrogance d'expliquer le Mal (c'est à peu près le genre de logique). C'est tellement drôle de les entendre parler d'arrogance. Alors j'ose l'arrogance : c'étaient des images que les hutus découpaient.

Mais finissons-en. Je disais l'agressivité qui monte un peu partout dans le monde, jusque chez les plus pacifiques. Et bien si on leur dit ça, nos experts ne comprennent juste rien, strictement rien. Ils sortent leur stat sur la violence et demandent en ricanant ce qu'on peut bien y opposer... pas foutus qu'ils sont de comprendre la différence entre agressivité et violence. Complètement abrutis.

Peut-être les peuples ont-ils les défauts de leurs qualités. Peut-être par exemple que si les afghans trahissent, c'est justement parce qu'ils sont fraternels : on trahit son frère, pas son voisin de palier (il faudrait développer tout ça). En tous cas, le fait est qu'avec la mondialisation, les gens deviennent de plus en plus agressifs. Partout. Mais peut-être l'agressivité répond-elle à la douceur, peut-être la colère par exemple n'est que la seule façon ou la façon première quand les choses deviennent pour certains trop insupportables. Agressivité, colère, violence. La violence ça serait quand une image se fixe en nous ; l'agressivité elle, serait plutôt une impuissance, une absence d'image (quand par exemple la gentillesse ne peut plus s'exprimer, quand elle ne fait plus sens dans un collectif). A l'échelle de la démocratie, l'absence de bouc émissaire par exemple vaudrait agressivité : on peut haïr Hekmatyar, on va pas haïr Macron, ça n'a pas de sens (c'est à peine s'il a une image). Pour finir, il faudrait aussi comprendre pourquoi les blancs sont si durs, si pétrifiés dans leurs certitudes. Je dis et tente de développer la raison et le sensible, ça je le vois. Au delà il faudrait peut-être un tibétain pour nous expliquer, pour dire les choses comme j'essaie de dire au mieux la douceur (et la colère) de l'indien, la fraternité (et la violence) afghane ou la chaleur tibétaine (sans contrepartie visible, en dehors de l'immolation par le feu pour certains...).


Bref, chaque histoire est génératrice de mémoire, et chaque mémoire est une histoire. Chaque civilisation est le produit de millénaires de puissances de guerre, de paix, de résignation, de résistance... et d'habitudes bien sûr. Chaque histoire est singulière à tous les niveaux : chaque homme, chaque tribu, chaque pays, chaque culture, chaque religion, sont autant de singularités qui nous reflètent. Et à la fin, c’est de civilisations dont on parle, c'est-à-dire de la mémoire du monde. Imposer un délire pseudo universel à ces modes de vie, c’est rompre le cheminement des gens, casser leur histoire et leur mémoire, et avec elles le sens qui a pu se forger, génération après génération. Et sans mémoire on n'est rien. Casser la mémoire de l'homme, c'est briser son devenir. Partout les cultures meurent ou mourront. Ne restera que la plus désorientée d’entre toutes : la nôtre. Celle déjà incapable de maîtriser ce qu’il adviendra de l'avenir de la planète à force de jouer au con avec, celle aussi qui continue sans relâche à donner des leçons au monde. La Shoah n'a servi à rien : l'homme blanc est toujours aussi arrogant et con.



Adieu donc, amis tibétains. Vous ne méritiez pas ça...



Free Tibet



EDIT : on peut aussi lire un texte sur Mélenchon (ou les communistes) et le Tibet ici.

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