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Woodstock et les hippies oubliés

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Woodstock et les hippies oubliés Empty Woodstock et les hippies oubliés

Message par chapati Mer 21 Aoû 2019 - 14:11

On commémore Woodststock dans la presse. Cinquante ans. Et avec le tour de force d'arriver à ne pas mettre un mot sur les hippies ! Quand mai 68 aurait renversé le monde, quand on nous bassine que les lanceurs de pavés seraient aujourd'hui l'intelligentsia responsable de toute la misère du monde, les hippies eux n'auraient jamais existé : une bande d'ados immatures et rêveurs qui ont d'ailleurs forcément bien du grandir, puisqu'ils semblent avoir disparu des radars ! Débarrassé de ce détail, tout est parfaitement en place pour dire strictement n'importe quoi sur cette période. A un moment, on a même évincé purement et simplement le terme de "hippie" pour le remplacer par "babas cools", employé de façon dérisoire voire méprisante. La récup était en marche. Et ça a donné tous les clichés qui perdurent encore aujourd'hui : les chèvres, les joints, les communautés, le cul. Passionnant !


Hier encore dans Libé, un article au délire révélateur d'une sociologue estampillée "spécialiste des drogues"
Larguer les amarres, rompre avec la vie formaté de la société industrielle, retourner à la source de mythologies ancestrales qui mène vers la recherche d’un moi authentique, c’est ce qu’ont transmis, à partir des années 50, les premiers explorateurs de la génération "beat", avec Kerouac, Burroughs, Ginsberg, et même avant eux les artistes et philosophes Rimbaud, Huxley, Hermann Hesse, Antonin Artaud. Une décennie plus tard le new age de Californie hérite de cette quête. Les croyances dans la métempsychose, le holisme nourri d’entités spirituelles qui associent étroitement le corps et l’esprit, le chamanisme sont un héritage de l’expérience des drogues psychédéliques. Dans les années 70, l’imaginaire autour des stupéfiants reste associé à l’évasion, mais ni les voyages ni les drogues n’ont les mêmes significations. Désormais, on va directement au but, c’est-à-dire au lieu de consommation. A la fin des seventies, les stupéfiants sont consommés pour le plaisir. Les hippies, devenus babas cool, font sourire la génération suivante d’usagers de drogues qui s’affichent plutôt "No Future" et écoutent Led Zeppelin, Iggy Pop ou les Sex Pistols.

https://www.liberation.fr/debats/2019/08/19/voyages-en-psychedelie_1746053?refresh=904947
J'aimerais bien savoir où elle est allé chercher que "la métempsychose et le chamanisme" caractériseraient ce qu'elle appelle le mouvement "new age" (terme qu'elle semble appliquer à la période hippie), ou encore que des "précurseurs" type Kerouac, Ginsberg etc, aient pu avoir une influence. Bon certes j'étais en retard, et moi c'est des "routards" que j'ai croisé (hippies ou non), mais je crois pas à cette généralisation. Kerouac et d'autres, certains ont pu les lire mais "après" : le truc commençait surtout par un joint passé et personne n'avaient besoin de Kerouac ou de quête spirituelle pour s'embarquer dès lors dans ce genre de vie, plutôt ouverte à l'époque. Ce qui n'empêchait pas certains de s'orienter vers telle ou telle quête interne, mais pas de là à en faire une généralité. En outre c'est pas la quête interne qui faisait prendre certains psychotropes, c'est plutôt le contraire. Mais bref. Par contre, un autre point est intéressant dans ce récit, c'est qu'il est dit le point de vue des punks sur les hippies. Et là nous voilà au cœur du mic-mac que je veux développer...

La miss poursuit, chronologiquement :
"Avec l’ecstasy, ces nouveaux psychonautes parviennent à des extases collectives au rythme de la musique électronique. Comme leurs prédécesseurs, ils veulent échapper à la société industrielle en explorant d’autres niveaux de conscience, mais ils n’espèrent plus bouleverser l’ordre établi, les espaces qu’ils investissent sont des zones autonomes temporaires, avant le retour dans le monde du travail".
Encore l'approximation : je crois pas que les hippies aient tant que ça voulu "bouleverser l'ordre établi". C'est pas mai 68, les hippies : il y a des liens (un ras-le-bol général), mais faut pas tout mélanger. Pour moi les types faisaient surtout leur vie "à côté" dudit ordre... ce qui ne les empêchait pas de scander ça et là trois slogans, comme le refus de la guerre (du Vietnam).


Mais le pire c'est de voir des spécialistes es rock and roll, estampillés à l'occasion historiens du mouvement "underground", débarquer et adouber ce genre de discours. Pour eux un beatnik par exemple, c'est noble ; ça ressemble à Dylan première mouture un beatnik, un poète qui assume en solo son destin de self-made marginal. Ils reconnaissent en lui le résistant qu'ils se veulent avoir été. Mais hippie ça jamais : hippie c'est les autres, comprendre un paquet d'ados façon moutons en troupeau. Et parés de leur expertise musicale, voilà que les types s'autorisent à jouer les sociologues ! Sauf qu'ils sortent tous plus ou moins du milieu punk des années 80, qui pour mémoire rejetaient tout ce qu'il y avait eu avant eux sans rien proposer ou espérer. Aussi la question est : qu'est-ce qu'ils en savent ? La pointe ultime de leur pensée semble résumée en cette phrase : "les Stones, c'était quand même autre chose que les Beatles". Manque de bol la créativité c'était côté Beatles. Les Stones pouvaient bien faire des pochettes psychédéliques pour vendre leur truc, c'était surtout un son et une voix, et pour ce que j'en pense le même morceau exploité jusqu'à l'os pendant cinquante ans. Autre exemple, il est de bon ton aujourd'hui de dire que le meilleur album des Beatles serait Revolver, soit l'album "avant" leur période dite hippie. C'est classe faut croire, de relativiser Sergeant Pepper's, ça vous pose son marginal. Les types sont même allés jusqu'à oser ne pas déifier Hendrix. Non non vous ne rêvez pas. Pur blasphème. Beethoven est passé et nos spécialistes n'ont rien vu. Pas grave, en lot de consolation ils lui attribuent le statut de maître de la guitare, on ne saurait être plus aimable.

En fait tout se passe comme s'ils asseyaient leur légitimité sur le recul qu'ils s'autorisent par rapport aux trucs de l'époque, pas loin finalement du recul revendiqué par l'historien le plus académique (ouais, bien lancé Chapati). Sauf que du recul ils en ont pas : punk c'est pas un recul, c'est une autre génération. En outre, le recul c'est le contraire de l'événement. Et l'événement hippie en l'occurence c'était être "dedans". Bref, on a le droit d'aimer les Stones, mais on peut aussi se foutre complètement du genre de feeling qu'ils dégageaient. Et les petites boites censées justifier leurs avis de spécialistes sur tel ou tel type de musique n'y feront rien : jazz-rock, soul psychédélique ou tango à roulettes, le gentil hippie s'en tapait bien de tout ça. Et d'ailleurs quand Hendrix déboule qu'est-ce qu'on fait à propos ? C'est où la boite ? Bref ces types semblent occupés à faire une histoire de la musique branchée, sauf qu'obnubilés par leur catalogue de musiciens, ils ne prennent pas en compte ceux qui les écoutaient, tout en les stigmatisant. Du coup ça devient bizarre leur truc. Et comment le brave mouton hippie écoutait-il donc la musique ? Désolé, pas en spécialiste à l'oreille (ou la narine) branchée, mais en fond sonore. En feeling pour être précis. Bref, c'est pas de leurs boites dont il s'agit. Un feeling, c'est autre chose que les façons dont on peut relier telle inspiration au blues noir, au folk texan ou au rock façon Elvis. Pas les bonnes boites donc. Les vraies étaient des histoires de feeling. D'ailleurs existait un autre journal à l'époque, Actuel, bien plus ouvert à autre chose que le rock : qu'il ait disparu n'oblige pas à introniser l'autre grand manitou de l'underground.

D'autre part au milieu des boites il y a des gens. Des gens avec des caractères et des affinités différentes. Alors avec le recul et autour d'une bière, hippie ou junky peut-être qu'on peut peut-être s'en foutre, sauf que justement "avec le recul", c'est autre chose ! Or la musique était un feeling, point. Et le hippie était dans le feeling : tout sauf en recul. La musique était présence avant toute chose. Elle accompagnait. Une présence censée correspondre aux feeling dont on se sentait proches ou qu'on avait envie de retrouver. Ça faisait partie de l'ambiance et c'est ça qui comptait d'abord. Retrouver les chats de Crosby par exemple c'était apaisant. Mais les chats c'est pas pour autant une musique con et gentillette, m'sieur Rock and Folk. Les histoires de chats valent bien celles de cow-boy façon Springsteen (sans parler des affreux Led Zeppelin et consort cités par la sociologue). Je crois qu'ils comprennent pas ça, les ceusses nés avec les punks, et c'est le problème : ils commentent une époque où ils n'ont jamais mis les pieds, de la même façon j'en ai peur que notre spécialiste des drogues n'en a tout simplement jamais pris.

Bref, les hippies étaient surtout occupés à faire leur vie dans l'espace dégagé par la mouvance hippie. Le reste c'était pas trop leur monde. Hippie peut-être que c'est en gros la poursuite de beatniks, ce genre de mode de vie avait sans doute fait boule de neige, mais la boule de neige a démultiplié le phénomène et l'a donc modifié. En dehors du type de drogues qu'ils revendiquaient, la façon dont on peut sans doute définir ce mouvement, c'est qu'ils pensaient que la vie telle qu'ils la menaient n'avait pas de raison de s'arrêter. Pour un hippie, il y avait les "straight" et les "freaks" et pas trop de passerelles entre les deux. Un monde, une culture parallèle avait l'air de se construire, et ils ne voyaient pas pourquoi ça s'arrêterait. L'ancien monde n'avait juste plus d'intérêt, c'était plus leur préoccupation. C'était donc pas tant un désir de le changer le monde, leur truc. Et aujourd'hui les types parlent d'ados, et sans doute que c'était les premiers atteints par l'effet "boule de neige". Sauf que certains ados avaient cinquante ans et d'autres revenaient du Vietnam. Pas si simple. Et tout ces gens débarquaient donc dans une mouvance Peace and Love. Notre historienne veut différencier ceux qui vont suivre en disant qu'ils prendront "toutes les dopes et juste pour le plaisir", peut-être, n'empêche que c'est pas si simple. C'est pas d'un côté le plaisir et de l'autre la "quête interne", c'est plus compliquée : un hippie c'était pas un punk, ni un junky ni un speed freak. Quant au récit underground, il semble se faire en fonction de ceux qui prennent/prenaient de la dope ou pas, en corrélation si l'on veut avec "le plaisir" de prendre "toutes les drogues". Aussi il ne correspond pas non plus.

Et à la fin, nos divers historiens en ont pris quelques uns pour les ériger en icônes. Fallait bien reconnaître quelque chose de toute cette affaire. Disons à la louche un peintre deux écrivains et trois quatre musiciens. Quant à ceux qui écoutaient, simple : ils n'ont jamais existé. C'est comme ça que l'histoire semble vouloir s'écrire. Or il n'a pas de révolution mais des devenirs révolutionnaires, disait Deleuze. On y est en plein. Les hippies n'avaient rien à voir avec les critères des historiens, avec ce à quoi ils semblent seul capable de se référer, point barre. Un autre récit existe. Mais ils s'en foutent bien de ça, nos experts. Il sera oublié.


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