A boire et à manger

"Honteux, nauséabond, indigne, parano/complotiste"... les réactions outrées ne manquent pas après les propos polémiques de Jean-Luc Mélenchon lors d’une interview sur France inter :

"vous verrez, dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. Ça a été Merah en 2012, ça a été l’attentat sur les Champs-Elysées la dernière semaine, avant on avait eu Papy Voise dont plus personne n’a entendu parler après. Tout ça, c’est écrit d’avance, nous aurons le petit personnage sorti du chapeau, l’événement gravissime qui va permettre une fois de plus de pointer du doigt les musulmans et d’inventer une guerre civile."

Des propos qui ne passent pas. "Jean-Luc Mélenchon assène que les meurtres commis par Mohamed Merah étaient 'écrits d’avance et tombaient à pic avant une élection", a réagi la députée européenne LREM Nathalie Loiseau. "C’est honteux, indigne pour les victimes de Merah et totalement parano/complotiste", a renchéri la sénatrice socialiste Laurence Rossignol.

https://www.nouvelobs.com/politique/20210606.OBS44943/tout-est-ecrit-d-avance-les-propos-douteux-de-melenchon-sur-les-attaques-en-periode-electorale.html

Covid-19 : une France sans cap ni boussole face à la septième vague

Peu de messages de prévention, aucune mesure forte, le tout sur fond d’incertitude scientifique : la gestion de la pandémie souffre de la lassitude des Français, mais aussi de la concurrence d’autres crises, alors que le nombre de cas quotidiens s’élève à 100 000 en moyenne au 1er juillet.

Nul ne sait précisément jusqu’où elle montera. Depuis début juin, la septième vague se déploie en France et les variants d’Omicron BA.4 et BA.5 se diffusent rapidement dans la population. Les conséquences en matière de mortalité et sur le système de santé sont encore limitées, mais les chiffres flambent et l’hôpital est plus fragile que jamais.

https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/07/05/covid-19-le-grand-flou-de-la-septieme-vague_6133348_3244.html

Le fact-checking n’a jamais semblé être aussi nécessaire. Covid-19, guerre en Ukraine, dérèglement climatique, élections contestées : les fausses informations pullulent. "Les faits sont sous un feu nourri d’attaques", résume Baybars Orsek, directeur du réseau international de fact-checking.

Les limites à l’efficacité du fact-checking sont connues. L’une est psychologique : face à la contradiction, perçue comme insupportable, le cerveau humain tend à ignorer un argumentaire trop contrariant. Cette opiniâtreté s’accompagne aussi souvent d’une forme d’agressivité vis-à-vis des journalistes de vérification eux-mêmes, comparés par leurs détracteurs à un "ministère de la vérité", quand ils ne sont pas la cible de diffamation ou de harcèlement. Faut-il pour autant jeter le fact-checking aux oubliettes ? Cette question existentielle, tous les journalistes se la posent au quotidien.

On peut également se la poser autrement : si des équipes spécialisées ne faisaient pas l’effort de vérifier les informations, de rendre disponibles des éléments de réponse ou de compréhension, si nous baissions les bras face à l’infox, comment un citoyen de bonne foi pourrait-il se renseigner sur ce traitement miracle contre le Covid-19, dont il a lu les louanges sur Facebook mais qui serait dissimulé par Big Pharma ?

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/08/en-plein-doute-le-fact-checking-cherche-a-se-reinventer_6133994_3232.html

Olivier Véran, le porte-parolat pour faire oublier le "ministre du Covid".

Accro au Coca zéro (...) il interrogeait nerveusement les proches du chef de l’Etat sur son avenir perso (...) Il entendait les conseillers de l’Elysée le décrire en "inspecteur Columbo" de la politique (...) il semblait incapable de jouer un autre rôle que celui du médecin apportant les mauvaises nouvelles, comme l’acteur américain Peter Falk avait été condamné à n’être à la télé qu’un fin limier en imperméable froissé (...) Lorsqu’il reçoit Le Monde dans les jardins de son ministère, il est "heureux" (...) "Sur le devant de la scène, il pourra renouer une nouvelle relation avec le public", pense le ministre des transports.

https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/07/20/olivier-veran-le-porte-parolat-pour-faire-oublier-le-ministre-du-covid_6135434_823448.html

Critique du livre par Pierre Tenne (résumé)

Un livre sans auteur. Un tableau apocalyptique et halluciné du monde, mais aussi des âmes, dont l’objectif semble de provoquer une peur panique. On entend souvent que notre époque est livrée au complotisme. Si cela est le cas, voici le livre qu’elle mérite. Mais comment ce Manifeste conspirationniste fonctionne-t-il ?

"Nous n’écrivons pas pour convaincre. Il est bien trop tard pour cela. Nous écrivons pour armer notre camp dans une guerre qui se livre à même les corps avec les âmes pour point de mire". Trop discuter ce livre pourrait confirmer ce qu’il anticipe en affirmant que la vérité n’a pas besoin d’auteur, au contraire du mensonge. Qui voudrait, à trop demander un visage à ce texte qui se revendique de personne, appartenir d’office à "ces gens de gauche – cultivés, progressistes, cool, sympas, critiques – qui n’ont aspiré, ces deux dernières années, qu’à des restrictions plus fatales des libertés en n’ayant à la bouche que la solidarité, l'altruisme et les inégalités sociales" ?

Reste donc à s’intéresser à la mise en forme de cette machine textuelle permettant de ramasser une infinité de discours. Ce Manifeste tient avant tout à être un style : du Comité invisible à Frédéric Lordon, de Deleuze à Foucault, des héritages situationnistes jusqu’au récent pamphlet de Barbara Stiegler sur la démocratie en temps de pandémie, il existe une généalogie de cette écriture souhaitant instaurer une façon d’écrire la radicalité révolutionnaire contemporaine : phrases courtes, souvent sentencieuses, dont la brièveté magnifie l’effet de radicalité : "On ne négocie plus. On a mis un physio à la porte de la société. Tout le monde ne peut pas entrer. Il va s’agir d’en être. C’est ce que le “pass sanitaire” vient entériner. En douceur. Électroniquement. Tactilement".

L'usage du gras et de l’italique est invasif, surenchérit la nature sentencieuse du propos par une mise à distance trouble des mots : "Dans un monde qui rend malade, où les plus adaptés sont à l’évidence les plus cinglés. Dans un monde qui s’emploie activement à produire des maladies en vue d’en commercialiser les remèdes". Le style veut nouer un paradoxe intellectuel insoluble : dénier toute autorité jusqu’à revendiquer une opposition explicite aux codes intellectuels, désignés comme des entraves mentales, tout en reprenant constamment leur principe en enchaînant les citations. Un tel procédé permet de saturer un texte, qui en devient inaccessible. Qui pourra en effet se revendiquer spécialiste à la fois de Foucault, de l’histoire de la Fondation Rockefeller, de l’idéologie militaire états-unienne, d’épidémiologie, de management, de Chine, de cybernétique, etc ?

Le style est aussi peuplé d’anaphores persiflantes : "Ceux qui croient que les gouvernants font de leur mieux malgré leur incompétence et la bureaucratie qui les cerne. Ceux qui n’entendent pas le cynisme abyssal qui ricane derrière toutes les proclamations sonores d’humanisme et de bons sentiments. Ceux qui préfèrent oublier que l’eugénisme, la colonisation, le dressage des populations ou la fondation Rockefeller n’ont jamais poursuivi autre chose que "le bien de l’humanité".

Style, enfin, qui fabrique à la chaîne de l’étonnement, de la surprise, de l’hébétude en multipliant les coqs-à-l’âne ainsi que tout un arsenal de figures de style mis au service d’une confusion portée en étendard, cherchant à rapprocher ce qui ne l’était auparavant pas : "Les fact checkers veillent au sommeil prescrit. Le roman national vaut toutes les berceuses. Le grand brouillard de l’information règne. Ce brouillard est, en réalité, celui de la guerre".

L'opposition binaire entre "eux" et "nous" tout au long du texte est une provocation  : elle flirte avec des manichéismes pour mieux se poser en opposition aux conformismes de lecture et de pensée. Eux, nous, autorise toutes les outrances. "Eux" ont donc inventé la sociologie pour "nous" dominer. Tout peut être dit, puisque le texte vise à anticiper tout ce qui pourrait en être dit et à le retourner en confirmation performative de la vérité de ce qu’il dit. Ne pas être d’accord, c’est être "eux". Machine violente : "Nous voulons nous venger". Machine méprisante et immature :"On les dit géniaux, visionnaires, audacieux, mais surtout intelligents. Leur réussite en atteste. Mais non : ils ne sont que malins".

On pourrait analyser cette affirmation aux accents religieux, qui affirme que "nous" savons tout, que "nous" avons dans nos âmes le savoir nécessaire à comprendre le monde. On aimerait aussi étudier plus en détail cette autre mystique qui parcourt le texte, celle de la généalogie intellectuelle reprenant l’archéologie de Foucault pour tout dévoiler en décontextualisant tout : la société n’existe pas, le coronavirus n’existe pas, la science non plus. On pourrait commenter longtemps sans jamais savoir ce qu’il en est de ce livre. Son style s’avère solidaire de légions de textes écrits sur les réseaux sociaux, machine agrégeant tout jusqu’aux contradictions parfois les plus énormes.

Au-delà de la forme, on ne peut que relever trois points immédiatement problématiques. Le premier est que ce texte en appelle à une défense explicite de la spiritualité, faisant de "l’âme" l’objet principal de la politique. C’est son droit, mais le bréviaire des citations marxisantes, de Lénine à Bakounine, montre qu’il cherche à concilier cette politique spiritualiste avec une histoire du mouvement ouvrier qui n’y est pas vraiment dans son élément.

Le deuxième est la présence de passages qui laissent pantois, comme celui qui évoque l’instrumentalisation de l’antisémitisme par "eux" contre "nous", se concluant dans une liste : "On peut tenir, après mûre réflexion et examen de toutes les pièces, Bill Gates, Mark Zuckerberg, Emmanuel Macron, la fondation Rockefeller, la DARPA, Bolloré, Cargill, la Commission européenne, l’OMS, les grands cabinets de conseil mondiaux, Goldman Sachs, Louis Dreyfus, Bayer-Monsanto ou les multinationales pharmaceutiques pour des ennemis sans avoir en tête d’ouvrir des camps de concentration".

Enfin, rappelons que ce Manifeste conspirationniste bénéficie de la légitimité et de la diffusion d’une grande maison d’édition, Le Seuil, appartenant à un groupe financé par des actionnaires. C’est le paradoxe ultime de son propos révolutionnaire et radical.

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/01/26/manifeste-style-conspirationniste/

27 janvier 1964, le gouvernement français et celui de la République populaire de Chine ont décidé d’établir des relations diplomatiques. La France est le premier pays du monde occidental à reconnaître cet État communiste instauré en octobre 1949. Pour les États-Unis, la seule Chine ayant grâce à ses yeux est la république de Chine gouvernée par Tchang Kaï-chek sur l’île de Taiwan, où se sont réfugiés à l’issue de la guerre civile un million de nationalistes chinois.

L'établissement de relations diplomatiques exprime le souhait de De Gaulle de se démarquer des États-Unis. Il ne s’agit pas d’approuver un système politique. Edgar Faure va donc négocier en Chine. De Gaulle souhaite une reconnaissance sans conditions, mais ne veut pas d'une rupture avec Taïwan. Les négociations achoppent sur ce point, Pékin exigeant en préalable cette rupture. La formule finalement retenue sera : la "reconnaissance de la République populaire de Chine comme seul gouvernement légal représentant tout le peuple chinois". Cette nouvelle considération du monde occidental pour la Chine, enclenchée par la France, conduit à l’entrée en 1971 de la République populaire de Chine à l’ONU en tant que membre du Conseil de sécurité.

https://lelephant-larevue.fr/thematiques/il-y-50-ans-france-reconnaissait-republique-populaire-chine/

Taïwan est un sujet tendu depuis la libération de la Chine. Mais, pour les Français depuis 1965 et le général de Gaulle, il n’y a qu’une seule Chine. Elle siège au Conseil de sécurité. Taïwan est une composante à part entière de la Chine. Le premier gouvernement alors national dictatorial de l’île, celui de Tchang Kaï-chek, prétendait d’ailleurs reprendre le contrôle de la "Chine continentale". Depuis, chacun s’en tient à une volonté de coexistence pacifique, en attendant mieux. Quoi ? Les Chinois règleront le problème entre eux. Il n’y a pas d’autre issue raisonnable possible.

https://melenchon.fr/2022/08/03/pelosi-aussi/