Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

Justice

Page 5 sur 6 Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6  Suivant

Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Dim 22 Nov 2020 - 21:51

PROCÈS JONATHAN DAVAL (1)


Face à face, l'image effrayante de l'étrangleur et celle d'un petit mec dont on sait pas trop jusqu'où il est encore un enfant. Et malgré les dénégations véhémentes des uns et des autres, il semble bien que ni le procès ni l'enquête ne soient jamais allés plus loin que cet antagonisme bien insuffisant.  

Les protagonistes :

-Le président, Matthieu Husson
-L’avocat général (AG), Emmanuel Dupic (notons que Dupic a aussi été le procureur du  début de l’enquête)
-Parties civiles : maître Portejoie, avocat des parents d'Alexia ; maître Caty Richard, avocate des autres membres de la famille d'Alexia (maître Portejoie qui, rappelons-le, fut l'avocat de la mère de la petite Fiona, dans l'affaire narrée sur ce forum).
-La défense : Maître Randall Schwerdorffer et Maître Ornella Spatafora (Schwerdorffer était l'avocat de la partie civile à l'époque, et d'un seul coup il a basculé en défense).
La cour a tiré au sort six jurés, un homme et cinq femmes.


Résumé des faits par le président :

Le 28 octobre 2017 vers midi, Jonathan se présente à la gendarmerie de Gray pour signaler la disparition d'Alexia. Le couple avait dîné la veille chez les parents d'Alexia, auraient passé la nuit ensemble, Alexia serait partie faire son jogging vers 9 heures, selon les dires de Jonathan. Les recherches sont lancées dès le signalement de la disparition.
Le 30 octobre, un ratissage permet de retrouver le corps partiellement calciné d'Alexia sous des branchages dans le bois d'Esmoulins. Les gendarmes relèvent rapidement des incohérences dans le récit de JD sur l'emploi du temps du couple et d'Alexia. Le véhicule professionnel de JD est équipé d'une puce qui suit les déplacements du véhicule. Il révèle que la voiture a bougé à 1h26, la nuit où Alexia est sensée avoir dormi avec son mari dans leur maison. Il y a des traces de pneus de la voiture à la lisière du bois d'Esmoulins, et des traces de boue et de terre sur la voiture dans le garage des Daval.
Le 29 janvier 2018, JD est interpellé à son domicile. Il conteste toute implication dans la mort de son épouse lors des 4 premières auditions mais craque à la 5°. Il explique qu'une dispute a éclaté et qu'il a frappé et étranglé Alexia, mais conteste être l'auteur de la crémation.
Le 27 juin 2018 il est à nouveau entendu et prétend cette fois qu'Alexia a eu une crise de violence chez ses parents, que c'est son beau-frère Grégory Gay qui l'a tué, et que la famille est complice de la dissimulation du corps.
Le 7 décembre 2018, lors d'une confrontation avec les parents d'Alexia, il reconnaît à nouveau le meurtre et avoue avoir transportée Alexia au bois d'Esmoulins.
Le 7 juin 2019, jour de la reconstitution, il finit par avouer qu'il a bien transporté Alexia et a bien tenté de brûler le corps.
Le président précise que JD prenait un traitement contre les troubles de l'érection ; puis qu'il évoque des humiliations répétées d'Alexia qui "utilisait des sex-toys en sa présence". Il explique que la nuit du meurtre, elle a sollicité une relation sexuelle qu'il a refusé. Alexia commence à l'insulter et à l'humilier, il se met en colère et la frappe avant de l'étrangler. Il dit s'être mis en colère cette nuit pour la première fois de sa vie.
Suit la description de son parcours personnel et professionnel. JD rencontre Alexia en 2004 à 21 ans, le couple se marie en juillet 2015, sa belle-famille l'adopte rapidement.
Le 6 janvier 2020, le juge d'instruction ordonne la mise en accusation de JD, pour avoir donné volontairement la mort à Alexia. Le meurtre avec la circonstance aggravante "commis par le conjoint" est passible de la réclusion à perpétuité.


La qualification retenue de "meurtre sur conjoint" ne convient à personne : les parties civiles voudraient la voir surclassée en "assassinat" (meurtre avec préméditation) ; la défense rétrogradée en "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner".

[déjà ça pose problème. D'un côté on voit mal une personnalité comme celle de JD en "tueur froid", préméditant et exécutant une telle horreur ; de l'autre, étrangler quelqu'un sans intention de donner la mort, c'est pas évident à défendre non plus (il admettra d'ailleurs l'intention de tuer au cours du procès). Bref, l'accusation comme la défense auront beau jeu de discréditer la thèse de l'autre, c'est pas ça qui fera avancer la recherche de la vérité, comme on va le voir]


Précisions :

Les parties civiles vont vite soulever deux lièvres plutôt compliqués à défendre : l'un comme quoi JD aurait violé Alexia après l'avoir tué ; l'autre comme quoi il l'aurait droguée à son insu durant des mois. D'une manière plus générale, l'accusation soutient que JD aurait menti en disant qu'Alexia lui a demandé un rapport le soir du meurtre et que ça a entraîné une dispute puis le meurtre. Pour elle, il n'y a pas eu de dispute, et du coup, l'étranglement ne peut être la conséquence d'un "pétage de plombs" de JD, mais bien une volonté de tuer Alexia. Selon elle, l'élément déclencheur aurait été qu'elle aurait voulu le quitter.


A la barre, le directeur d'enquête, Franck Paredes :

"JD va changer de version à plusieurs reprises au cours des différents auditions devant le juge d'instruction. Il va inventer la version de son beau-frère tuant Alexia et ses beaux-parents l'aidant à cacher le corps. Puis une confrontation avec la mère d'Alexia provoque ses aveux. Lors de la reconstitution, il reproduit les gestes qu'il est sensé avoir fait, les coups, l'étranglement, le transport du corps dans le garage. Il serait allé plusieurs fois voir le corps dans la nuit "pour voir si c'était vrai".
Paredes affirme que les gendarmes soupçonnaient JD dès le début et qu'ils ont attendu d'avoir assez de preuves pour l'arrêter.

Me Portejoie prend la parole et s'embarque dans une thèse compliquée : "je pense qu'il y a eu une relation sexuelle après la mort d’Alexia". Il questionne Paredes là-dessus mais ne parvient pas à lui faire dire que les traces de sperme retrouvées sur le short d'Alexia prouvent que JD aurait violé le corps sans vie de sa femme. En outre, l'hypothèse n'est pas retenue par l'enquête.

[un bout manque dans mon récit, dont je ne retrouve pas la source, je le cale ici : un expert expliquera qu'on peut retrouver des traces d'ADN sur un vêtement "même après deux ou trois lavages", ce qui ne balaie peut-être pas la thèse de Portejoie mais en tous cas ne peut que la déconsidérer auprès des jurés]

Schwerdorffer : "Y a-t-il dans le dossier quelque chose qui permet de caractériser un viol ou une agression sexuelle ante ou post mortem ?"
Paredes : "Il n'y a pas de signes évidents de violences sexuelles, selon le médecin légiste".
Schwerdorffer : "Elle faisait des crises, elle me disait : "si je me mettais à poil devant un vrai mec il me sauterait dessus". C'est bien ce que dit Jonathan Daval dans son témoignage ? Il a des traces de violences sur lui. Il s'est donc battu avec Alexia. Il utilise le véhicule de fonction équipé d'un tracker [en le sachant, selon la défense, ndlr], utilise un drap de la maison [issu d'un trousseau de famille, donc identifiable, ndlr], garde le flacon du produit qui a servi à mettre le feu : il en laisse des traces quand même, le petit poucet Jonathan. Ça fait beaucoup pour un acte que certains voudraient prémédités !"

Ornella Spatafora évoque leurs échanges de sms : "Jonathan est aux petits soins, Alexia elle, est directe, avec des reproches sur son comportement, leur vie intime, sur beaucoup de choses".

Paredes ajoute encore qu'Alexia reproche à Jonathan ses problèmes d’érection, de ne pas avoir des rapports sexuels aboutis, lui demande de prendre plus d’assurance et de responsabilités, etc.


La mère de JD à la barre :

"C'était un enfant très calme, qui vivait un peu dans sa bulle, timide, réservé. Il n'est pas comme il a été décrit. Il a ses défauts comme tout le monde". (elle sera ré-entendue)


L'employeur de JD :

"JD a été embauché en 2006 et tout se passait bien. La dernière année il y a eu des dérapages, à plusieurs reprises il devait être en clientèle et ne s'y trouvait pas". C'est lui qui a indiqué aux gendarmes qu'une puce (tracker) avait été installée dans le véhicule professionnel de Daval. Il raconte encore que Jonathan était passé au magasin chercher une imprimante pour dépanner un voisin le matin de la disparition d’Alexia : "son comportement était normal".


Médecin traitant de JD :

Le médecin stupéfie la salle : "J'ai dit des choses sous une pression de l'interrogatoire. Les choses que j'ai dites se sont faites avec l'aval de Jonathann, qui m'a autorisé à parler. J'ai appris ensuite que je suis toujours tenu au secret médical, même avec l'aval de mon patient. Ces propos je les rétracte. Je n'ai absolument rien à dire aujourd'hui".

Me Portejoie reconnaît le droit au secret médical mais souhaite que le Président lise la déposition du médecin versée au dossier. La déposition décrit Jonathan comme "un bon petit gars sans problème qui semble équilibré". Est confirmé que "JD consultait pour des problèmes d'érection datant d'une période durant laquelle le couple vivait chez les parents d'Alexia".


Le médecin légiste :

Il fait le tableau de ce qu'il a constaté : les brûlures, traces d'ecchymoses etc. Randall Schweerdorffer lui demande s'il a relevé des traces de violences sexuelles. Il répond : "à l'issue de l'autopsie, non". Les lésions aux ongles évoquent des réflexes de défense, ajoute-t-il ("ongles retournés").


Pr Antoine Tracqui, médecin légiste (qui a supervisé l'autopsie d'Alexia Daval) :

Il détaille les constatations faites par le légiste, puis re-précise ce que tout le monde attend depuis les allégation de Me Portejoie en ces termes : "l'examen ne met pas en évidence de lésions traumatiques suspectes" (pas de violences sexuelles, donc). Me Schwerdorffer insiste à son tour et lui ait re-préciser que rien ne permet d'affirmer l'existence d'un rapport sexuel post-mortem : "non seulement il n'y a pas de preuve, reprend-il, mais pas d’argument positif en faveur de cette hypothèse", répond Tracqui. Il note que les coups au visage ont été particulièrement violents (il en a relevé 5 à 10), et qu'Alexia est morte par strangulation manuelle. Il précise que quelques dizaines de secondes suffisent pour provoquer une perte de connaissance, mais qu'il faut 4 à 5 minutes pour entraîner la mort.

Tracqui a assisté à la reconstitution où JD a donné une complète version des faits. La tête cognée contre le mur du garage, les coups de poing puis la strangulation. Il serait allé chercher le véhicule, l’aurait rentré dans le garage et y aurait mis le corps. Il dit ensuite avoir pris des médicaments, s’être réveillé plusieurs fois et être allé voir le corps. Vers 9h30, il prend la direction du bois d’Esmoulins. Sur place, il l'asperge avec une bombe aérosol puis met le feu à des branchages. Cette dernière version où Daval assume seul la responsabilité de la mort et de la crémation d'Alexia est selon lui compatible avec ses constatations.

Enfin, à une question de Me Portejoie, qui demande "qu'est-ce qu'il s'est passé, finalement, entre eux ?", Tracqui répond : "Rien ne permet d'affirmer que les coups ont été donnés avant la strangulation. Je ne peux pas me prononcer sur la chronologie des actions vulnérantes"

[Pour moi, cette phrase est la plus importante du procès. C'est celle qui aurait pu et aurait du faire avancer les choses. Mais je le répète : encore eût-il fallu pour cela que quelqu'un s'intéresse à aller au fond des choses (la défense n'a certes pas à le faire si elle n'en tire pas profit, son rôle n'étant que de défendre l'accusé). Dans un sens, Tracqui semble répondre à ce qui intéresse Portejoie, à savoir que si les coups avaient été portés après strangulation, ça accréditerait la thèse qu'il l'ont été pour maquiller en dispute un meurtre par étranglement. Sauf que la référence à la chronologie laisse envisager d'autres pistes qui posent un sérieux problème, dans le sens que ça pourrait amener à des choses qui n'ont pas été évoquées lors du procès, et qui pourraient mieux coller avec le fait que Jonathan semble toujours cacher des choses. Qu'est-ce que j'en fais ? Que dois-je en faire ? C'est bien délicat. Je ne poursuivrai pas là-dessus.]


Dossier médical de JD (c'est encore le Pr Tracqui qui témoigne, en se référant aux dossiers médicaux) :

Sur le plan psy, le médecin note "un retard de langage diagnostiqué à 5 ans" [il y a aussi de l'asthme et une surdité, ndlr]. A l'adolescence, JD porte un corset pendant deux ans pour une scoliose, ce qui lui vaudra d'être moqué au lycée. Il aurait ainsi été angoissé par son apparence et aurait souffert de troubles du comportement (TOC). A partir de 2016, ses troubles de l’érection sont traités par des médicaments.


Dossier médical d'Alexia Daval (toujours via le Pr Tracqui) :

La question est de savoir s'il y a des liens entre les éléments de dossiers et ce que dit JD des "crises" d'Alexia.

"Les dossiers médicaux disent qu'elle présente des séquences "d'absence" avec amnésie, nausées, troubles du comportement et céphalées. Un neurologue décrit "des malaises de plusieurs heures précédés d'un goût métallique dans la bouche, des propos incohérents et une agressivité envers le conjoint". Des IRM cérébrales sont réalisées. Les médecins hésitent entre hypothèse épileptique et cause médicamenteuse. Selon l'expert, la chronologie médicamenteuse n'est pas cohérente avec les crises. L'hypothèse psy a aussi été explorée, sans que rien ne l'étaie. Ces éléments sont de nature à corroborer - au moins partiellement - les déclarations de Daval. Alexia a en outre fait une fausse couche le 31 août 2017".

Mais les parties civiles évoquent une soumission chimique d'Alexia : elle aurait pris des médicaments à son insu plusieurs mois avant son décès. L'expert répond que pour aller jusqu'à l'amnésie, il faudrait "un emploi massif de produits".

La partie civile passe à un autre point, et fait alors remarquer que ce soir là, Alexia prend un stilnox et met un ovule gynécologique, "ce qu’on fait rarement avant d’avoir un rapport sexuel". Réponse de l'expert : "Pour l’ovule, je ne me prononce pas ; pour le somnifère, elle peut aussi envisager un rapport durant une trentaine de minutes avant de dormir".

L'hypothèse du viol post mortem a donc été mise à mal, et voilà que la thèse de l'empoisonnement à petit feu en prend elle aussi un coup, ce qui n'aide pas à plaider la préméditation. Ne reste donc plus à partie civile qu'à s'atteler à faire valoir l'intention de tuer (et non un coup de colère suite à une dispute, donc).

[au cours du procès, la défense parlera d'anorexie chez Alexia. J'ai zappé l'info sur le moment et la rajoute ici. Sur ce point, notons que Tracqui dit n'avoir jamais vu mentionné ce terme dans les dossiers médicaux]


Xavier Blanchard, gendarme :

"A l'interrogatoire, il nie au cours de trois auditions. Il ne conteste pas la garde à vue, a une attitude neutre, passive, ne semble pas inquiet bien qu'on le mette devant des contradictions flagrantes en lui exposant crescendo les faits. Il n'a que des réponses brèves, 'je ne sais pas', 'je n'ai pas tué Alexia'. A un moment on le laisse s'entretenir avec ses avocats pour tenter de favoriser des aveux. Il revient au bout d'une minute, se met à pleurer, et nous dit : c'est moi qui ai fait ça, je ne voulais pas. Il explique : 'elle a fait une crise extrêmement violente au retour du repas chez ses parents, je voulais la maintenir contre moi, et sans le vouloir je l'ai étouffée'. Il ne parle pas de coups portés et dit l'avoir conduite au lit. Constatant ensuite la mort de son épouse, il dit l'avoir transportée au sous-sol et installée dans la voiture recouverte d'un drap. Il prend alors du Stilnox, tente de dormir mais redescend plusieurs fois voir le corps. Au matin, il roule vers le bois d'Esmoulins et dissimule le corps".
"On n'a pas eu le ressenti qu'il veuille se soulager lors de cette audition, les maigres aveux qu'il a fait l'ont été à la suite de nos questions. Il va rester à chaque fois a minima et très peu décrire les différentes phases du meurtre. Se constituer des alibis lors de la matinée du samedi est une volonté de dissimulation du crime".


Jean-Pierre Fouillot, père d'Alexia :

"Trois mois se sont écoulés après le drame, avec Jonathan constamment à la maison. Pendant ces trois mois on l'a chéri. Il pleurait avec nous tous les soirs. Il s'est moqué de nous, il a usé de notre bonté". D'autre part : "Jamais personne de l'entourage d'Alexia, en famille, au travail, n'a vu une de ces crises... ce sont uniquement les dires de Jonathan" [pourtant, il y a les consultations médicales, ndlr]. Il finit en s'adressant à JD : "j'espère que la perpétuité te sera octroyée".

Me Spatafora lui rappelle ce qu'il a dit à Jonathan lors de la reconstitution : "je ne te prends pas dans les bras, par respect pour Alexia. Mais sache que je t'aime toujours". Fouillot parle de "faiblesse", dit qu'il est sentimental, et qu'aujourd'hui il ne le ferait plus : "j'ai découvert des monstruosités... aujourd'hui je culpabilise d'avoir eu ces mots en pensant à Alexia."


Isabelle Fouillot, mère d'Alexia :

"C'est impossible tous ces mensonges". Se tournant vers l’accusé : "Tu ne voulais pas entendre parler de divorce car tu aurais tout perdu. Tu nous perdais, nous et l’amour qu’on t’a donné. L’autre hypothèse, c’est que tu ne voulais pas d’enfant, parce que l’enfant c’est toi. Mais la vérité, toi seul peux la dire".
A un moment, elle lit une lettre que sa fille a écrit à Jonathan quelques années plus tôt : "j'ai besoin de ta présence qui éloigne mes souffrances, de tes yeux qui me font me sentir mieux, de tes lèvres, de ta voix, de tes rêves". Quand elle replie la lettre, elle fixe intensément la cour : "Alexia n’était pas écrasante, comme on l’a dit, elle était bienveillante.".

Me Portejoie : "Comment, durant ces trois mois, se comporte Jonathan à votre égard ?"
- Il venait à la maison, il envoyait des mots pour nous dire qu’il nous aimait. Il m’appelait maman. Quand il est entré dans notre famille, il nous disait qu’il n’avait pas de famille, que sa mère ne comptait pas pour lui. C'est un de ses premiers mensonges, puisqu'il voit sa mère et sa famille. Je pense qu’il n'a pas coupé le cordon ombilical.


Stéphanie, soeur aînée d'Alexia :

"Jonathan veut faire plaisir à tout le monde mais ne se remet jamais en cause, c'est toujours de la faute des autres. On a découvert que le mensonge est un art de vivre chez lui : quand il est avec nous il déblatère sur sa famille, quand il est avec sa famille il déblatère sur nous. Ma soeur était seule. Depuis leur mariage elle était isolée". Pour les sms, elle dit : "la défense y voit des reproches, moi j’y vois des appels au secours". Elle pense que "les violences conjugales c’était pas la première fois. Je pense qu'elle était violentée psychologiquement. Ce n'est que mon ressenti. Elle devait être rabaissée. C’est pour ça qu’elle n’en a pas parlé ni à moi ni à ma mère".
Elle revient également sur l'idée que Jonathan la droguait : elle dit que sa sœur n'aimait pas prendre de médicaments. Elle pense qu'elle n'en aurait jamais pris alors qu'elle voulait avoir un enfant.


Grégory Gay, mari de Stéphanie :

Il reprend les dires de sa femme. "Daval est un personnage transparent. Cordial mais très en retrait. Avec Alexia il était aux petits soins, très attentif mais en apparence, quand on était là. Mais derrière il n'y avait rien. Le soir de la disparition, il nous l'a fait passer pour folle. Nous on cherche une femme en vie et lui il raconte qu'il se faisait battre. Je ne comprenais pas, ça n'avait pas de sens. Son comportement ne correspondait pas à la situation".


Audition de Jonathan Daval :

"Je voudrais d'abord, c'est peut-être pas le mot adapté, présenter des excuses, mais c'est pas excusable, auprès des proches d'Alexia pour tout ce que j'ai fait. Je leur ai enlevé leur fille, dans un premier temps, après je leur ai menti, l'histoire du complot aussi a détruit votre vie, a détruit aussi la vie de ma famille, à qui j'ai menti aussi. Je vous ai menti. Les gendarmes aussi à qui j'ai menti. Aux médias, à la France, pareil. Donc oui, ce n'est pas pardonnable ce que j'ai fait. Je voulais quand même le dire".
[ndlr : des excuses aux gendarmes ?]

Ensuite il revient sur le déroulement des faits, mais sans rien dire qu'on ne sache déjà. Il parle "des conflits qu'Alexia amorçait et d'incessantes disputes qu'il fuyait. Il fuyait même la maison". Il dit encore qu'ils gardaient tout pour eux, ne disaient rien aux autres. Il affirme avoir voulu un enfant. Il dit enfin qu'il "ne désirait plus Alexia, et qu'il ne supportait pas de la voir s'exciter avec des sextoys". Puis à un moment, il chancelle, les gendarmes le rattrapent de justesse, et il est transporté aux urgences.

La séance est levée.


Dr Arpin, psychologue :

"J'ai expertisé JD le 29 mai 2018 à la maison d'arrêt de Dijon.

Dans son enfance, JD explique qu’il 'se sentait bien dans son cocon'. Il était le 6e enfant de la famille, très surprotégé en particulier par sa mère, qui s'est remise en ménage avec un homme qu'il a considéré comme son père.  A l'adolescence il a une scoliose et doit porter un corset. Il dit devenir la risée au collège, se replie sur lui-même et développe des TOC à cette période, puis ça se calme au bout de quelques temps. Il fera un BTS en informatique à Besançon, qu'il ne termine pas car il est embauché en CDI par une entreprise. Il dit qu'il n'a jamais été addict, ni à l'alcool, ni au cannabis.
Sur le plan sentimental, il explique qu'il n'allait pas vers les filles car il avait cette mauvaise image de lui-même. Il rencontre Alexia Daval à l'âge de 21 ans au ski. Elle avait alors 17 ans. Ils échangent leurs numéros de téléphone, deux jours plus tard ils se revoient et à sa grande surprise elle l'embrasse. Il se demande comment une aussi jolie fille peut s'intéresser à lui. Très rapidement le couple se forme, il s'entend très bien avec ses beaux-parents et habitent chez eux. Mais rapidement des problèmes arrivent car par peur de la promiscuité avec ses parents, Alexia refuse souvent ses avances, ce qui commence à provoquer des "pannes".
Ils se marient en 2015, s'installent chez eux, font un projet d'enfant mais ça ne fonctionne pas. Alexia entame son parcours de PMA. Il dit qu'elle a toujours été l'élément dominant du couple mais à ce moment, il déclare qu'elle devient de plus en plus autoritaire, agressive, insomniaque. Elle ne le supportait plus, lui reprochait de ronfler la nuit, lui donnait des coups de pieds et de poing à ces moment-là. Il décrit les fameuses crises d'Alexia au cours desquelles elle le frappait, l'insultait, le traitait de sous-homme ; il devait la maîtriser, la conduire au lit où elle s'assoupissait, il revenait la voir peu après et ça allait mieux. Et le lendemain matin tout allait bien.
JD a un niveau normal, il manque beaucoup de confiance et a tendance à abdiquer très vite devant les difficultés. C'est quelqu'un de timide, toujours au bord des larmes, mais coopératif. Il est réservé mais répond aux questions. Les réponses sont peut-être sujettes à caution mais elles sont cohérentes : il ne profère pas de propos délirants (d'un point de vue de clinicien psychologue)".

"C'est quelqu'un d'égocentré, ce qui a pu favoriser son déni : pendant 3 mois il finira par se persuader qu'il n'a eu aucun rôle dans la mort d'Alexia, que c'est un rêve, que c'est pas lui. Quand on lui présente les preuves, il accuse les autres. Il y a deux personnages en lui, l'un timide, effacé, soumis, l'autre dominant, et ces deux personnages ne se croisent jamais. C'est un caméléon qui réagit comme on voudrait qu'il réagisse et s'adapte aux différents environnements. Comme s'il n'existait que par ce que les autres font exister de lui. Parfois ce genre de personnalité développe une forme de manipulation pour s'adapter aux gens et aux circonstances, pour préserver sa propre image qu'il perçoit comme dégradée. Ce genre de personnalité ne supporte pas la rupture".

Le président lui demande de développer sa réflexion sur les mensonge.
-J'ai l'impression qu'il finit par croire à ce qu'il dit, jusqu'au moment où on le met devant l'évidence, où ses personnalités contradictoires tentent de se rejoindre. Quand il est avec sa mère, il dit ce qu'il pense que sa mère veut entendre et critique les Fouillot. Quand il est chez les Fouillot il critique sa mère. Il fuit les responsabilités. Je pense que c'est un enfant traumatisé très tôt. Troubles du langage, TOC, il a du se passer quelque chose dans son enfance qu'il a peut-être occulté (il parle aussi d'amour "incestuel" avec sa mère). Sur le mensonge, il n'y voit pas une manipulation perverse mais un "mensonge magique". C’est très infantile, il a pas passé le stade de la puberté et de la maturité sexuelle.


Dr Joffrey Carpentier, psychiatre :

Le psychiatre a vu JD la veille de son RV chez le juge, où il va dénoncer le pseudo complot familial.

Il note "sa maîtrise et son contrôle" pendant l'entretien.  "JD se décrit comme en état de sidération, se dit en colère, mais il n'y a pas de participation émotionnelle. Il dit repenser à Alexia en bien, dit les bons moments, le quotidien, les vacances. Il ne fait pas de cauchemar par rapport à la scène. Il dit 'essayer de mettre de côté".
Selon lui, c’est quand le couple s’autonomise que les problèmes arrivent : "JD dit faire face à une femme autoritaire qui lui reproche de ne pas être un homme. Cela provoque une 'blessure narcissique' mais il ne peut pas s’inscrire dans l’idée d’une rupture. Il ne peut pas dire non. Il voue une véritable adoration à son épouse, comme un enfant pour sa mère".
Il décrit un homme "qui n'a pas de maladie mentale mais dit qu'il y a chez lui 'une dimension de contrôle et de toute puissance' : je suis quelque chose que vous ne savez pas et donc je garde le contrôle. Et tant que je sais quelque chose que vous ne savez pas, je suis quelqu’un d’important". JD est froid et distant avec lui. "Il est dans le contrôle, la dissimulation, conclut-il. Il y voit une dangerosité criminologique.

Me Schwerdorffer fait répéter à l'expert qu'il n'y a pas de troubles psychiatriques. Ce qu'il fait.
-"Alors c'est quoi cette dangerosité, est-ce que n'importe qui dans cette salle pourrait avoir un syndrome de toute-puissance et être tout à fait normal ? Moi par exemple ?
Le psychiatre marque un très long blanc... et finalement ne répond pas.
Me Schwerdorffer : "vous le voyez à un moment où il est dans le mensonge. N'est-ce pas cohérent qu'il ne soit pas dans l'émotion ?" Alors le psy répond que JD n'est pas dans le déni, qui est un processus inconscient, mais dans la dissociation : "il sait ce qu’il s’est passé, mais ce souvenir reste dans un espace traumatique".


Dr Jean Caterino, psychiatre :

L’accusé raconte à l’expert-psychiatre son passage à l’acte dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017. À ce moment-là, JD reconnaît tous les faits (cette expertise se déroule cette fois fin août 2019).

"Pour moi il y a une nette pathologie obsessionnelle. Les faits sont en lien avec sa situation conjugale et sa personnalité, son manque de confiance en lui et le refoulement de son agressivité. L'obsessionnel a un fonctionnement particulier : il ne peut pas distiller ses frustrations. Il accumule, et un jour ça déborde. Et c'est très violent parce que tout part d'un coup. On est face à un type de personnalité qui n'arrive pas à négocier le conflit. Il ne négocie pas le conflit Jonathan Daval. JD décrit bien une conjugopathie : un couple qui n’arrive ni à se séparer, ni à vivre ensemble. C’est très dangereux".

Me Schwerdorffer : "Tout le monde s'attend à ce que l'homme ressemble à l'horreur de son acte. J'ai l'impression que c'est plus compliqué que ça ?"
- Vous avez raison. Il y a un proverbe italien qui dit "si tu embêtes un costaud tu risques un coup de poing, si tu embêtes un faible tu risques un coup de couteau". On est tout à fait dans ce cas. Daval n'est pas un manipulateur, il avait une agressivité refoulée qui a explosé. Et après, comme il est toujours obsessionnel, il y a une tentative dérisoire de refouler à nouveau ce qui s'est passé. Le manipulateur c'est celui qui veut avoir les gens dans la main. Lui ce qu'il veut c'est ré-encrypter ce qui s'est passé. Il est toujours en train de faire le ménage. C'est ça un obsessionnel.

Aux avocats des parties civiles qui tentent encore de faire un autre portrait de JD, Caterino répond : "vous pouvez me poser toujours les mêmes questions je vous donnerai toujours les mêmes réponses". Il continue : les pathologies de JD ne sont pas figées, ça peut s’améliorer [c'est important pour le verdict, ndlr]


Jonathan Daval (suite de l'audition de la veille):

Président : "On est à 23h30, vous partez de chez vos beaux-parents. Reprenons de là".
- On est rentré, on est monté à l'étage. Tout allait bien. Elle vient de planter près de moi. "Je veux une relation sexuelle". C’est comme ça, elle veut une relation. Je savais que ça allait tourner en dispute parce que je savais que je n’allais pas pouvoir avoir une érection. J’ai refusé. Elle se fâche, me reproche de ne pas m'occuper d'elle. C'était pas la première fois qu'elle me faisait ce reproche, et moi je disais rien. Elle dit comme quoi je la désire pas, que je ne veux plus d’elle. Je nie. J'essaie de partir de la maison (ça m'était déjà arrivé, j'allais chez ma soeur ou chez mes parents). Elle prend mes clefs, elle voulait pas que je parte. J'ai essayé de les lui reprendre. Un échange a commencé dans le couloir, on s'est donné les coups. Dans l'escalier, c'est là que je l'ai plaqué. Elle m'a mordu, et ça m'a mis hors de moi. Elle me donnait parfois des coups violents, mais pas aussi violents que les coups que je lui ai donnés ce soir là.
- Et les coups qu'elle vous portait c'était souvent ?
- Ça arrivait mais le plus souvent c'était des violences verbales. Elle donnait des coups qui faisait mal et d'autres pas.

Il continue : "Je lui cogne la tête contre le mur. Je lui donne des coups de poing".
-Pourquoi ne pas arrêter ?
-A ce moment, je ne me rends pas compte du temps. La colère, et toutes ces années qui sont ressorties. Et ses mots qui continuaient de sortir malgré tout... d'où l'étranglement pour qu'elle se taise. C'est l'enchaînement. Les coups étaient rapides et c'est parti tout de suite sur la strangulation. J'ai serré, je ne peux pas estimer le temps. Quand j'ai senti qu'elle s'affaissait j'ai lâché. Oui, quand on étrangle comme ça, c'est pour donner la mort.
- C'était pour qu'elle se taise à jamais ?
- Oui...

[ndlr : "l'affaissement" c'est pas possible, ça colle pas avec ce qui a été dit sur l'étranglement : il faut bien plus de temps que ça. C'est terrible, j'ai sûrement pas envie d'accabler JD, mais tout le monde ment. Pas étonnant qu'on n'avance jamais dans ce procès]

Jonathan Daval : "J'ai placé son corps dans le véhicule. J'aurais pu appeler l'ambulance, les gendarmes, j'ai pas réagi comme ça. Cacher le corps, ne plus la voir dans l'escalier. Je suis remonté dans la chambre, j'ai pris des cachets pour dormir, mais je me suis réveillé plusieurs fois dans la nuit. Avec ce qui venait de se passer, les somnifères ça agit pas. Je suis descendu plusieurs fois ouvrir le coffre voir si c'était bien réel. Et c'est le lendemain que j'ai pris la décision de me débarrasser du corps en maquillant ça en jogging. C'est comme si une partie voulait cacher les choses, et une autre qui disait non. J'ai pris la bombe parce qu'elle était dans le garage. Le corps, je l'ai traîné vers la forêt. C'était trop horrible. Donner le feu à un corps c'est pour effacer les traces. Aussitôt que le feu a pris je suis parti. C'est dégueulasse (il pleure)".


Matthieu Chardeyron, ami d'enfance de JD :

"Jonathan, il était calme, gentil. Un soir de réveillon où il savait que j'étais seul, ça sonne, c'était lui... Il était venu chez moi juste pour que je ne sois pas seul. Voilà, c'est ça le Jonathan que je retiens. Pour moi, c’est pas lui qu’est là".


Mélanie Grosjean, meilleure amie d'Alexia :

"Je la connais depuis le collège. J'ai fait la connaissance de Tann quand elle l'a connu. On se voyait souvent tous les trois. Jonathan, c’était aussi un ami, il était gentil. Pour moi ils se sont vraiment aimés. Mais un ou deux ans avant le drame il y avait des conflits, un manque de dialogue qui a dégradé la situation. Elle racontait qu’ils s’engueulaient, elle disait qu’il fuyait la confrontation. Je croyais qu’ils allaient divorcer".


Vidéo de la séquence dans le bureau du juge où Isabelle Fouillot a fait avouer Jonathan en lui montrant la photo d'Alexia avec leur chat. On voit Jonathan se mettre à genoux devant elle. Elle le relève et le prend dans ses bras. Il pleure à chaudes larmes. Jean-Pierre Fouillot lui serre la main. "Je dirai tout, je dirai tout", dit-il. "Merci Jojo".


Isabelle Fouillot à la barre (pour s'adresser directement à Jonathan) :

Elle tente encore de lui en faire dire plus. Il répond qu'il voulait fuir la situation. Elle argue que c'est forcément qu'Alexia voulait s'en aller. "Non, répète-t-il, c'était une dispute, faut me croire". Il voulait quelle se taise, ils s'aimaient.
- Si seulement t'étais venu nous en parler... Est-ce que tu as quelque chose à me dire ?
- Je suis désolé pour tout.
- C'est si peu... j’attends mieux, Jonathan.
- Je ne peux rien dire de plus.
- Tu ne peux rien dire de plus ? Alors je te souhaite un bon séjour en prison.

Me Schwerdorffer réagit vite : "M. Daval, vous avez compris que la famille d'Alexia veut entendre une vérité mais pas votre vérité, soit : il y a eu une dispute, vous vous êtes battus, vous l'avez tuée..."
- Oui.


Stéphanie, la soeur de JD :

Elle dit que son frère aimait Alexia ("c'était sa princesse"), et fait part aussi d'un élément significatif : "on parlait de beaucoup de choses mais non, je n'étais pas au courant de leur problème pour avoir un enfant" !


Martine Henry, mère de JD :

"J'avais vu que quelque chose n'avait pas. Il venait tout le temps, il avait tout le temps faim. Je lui disais "si ça va pas, vous en parlez et vous divorcez". Alexia m’agressait, me disait de mauvaises choses, des choses qui me faisait du mal. Elle avait du caractère, c'est sûr. Je sais qu'elle ne nous appréciait pas, surtout moi. Elle lui interdisait de venir à la maison. Le peu que je les voyais ensemble, ils étaient heureux. On ne peut pas tout voir. Moi je ne me suis jamais mêlé de leur vie, déjà que j'entendais que je n'étais pas ceci cela".
Lors de sa disparition, "j’étais inquiète parce que malgré tout, j’aimais Alexia, c’était ma belle-fille."

Avocat Général : "votre fils venait souvent chez vous, est-ce qu'il vous avait déjà parlé des crises, des coups qu'il recevait d'Alexia ?"
-non.


Fin des témoignages.


Dernière édition par chapati le Sam 28 Nov 2020 - 16:15, édité 39 fois

chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Dim 22 Nov 2020 - 22:10

PROCÈS JONATHAN DAVAL (2) : Réquisitoire et Plaidoiries


On a eu l'impression de tourner en rond tout au long du procès sans que rien ne semble jamais avancer. Chacun est resté sur sa position et les avocats de la partie civile et l'AG ont eu l'air de ne faire d'autre que tenter de rallier les jurés à leur point de vue, en démolissant le récit de la défense au passage (et je le répète encore, sans se préoccuper le moins du monde de recherche de vérité). Deux experts sont plutôt allés dans le sens de la défense en présentant JD comme un être faible et immature, presque un enfant victime d'un monstrueux pétage de plomb, le troisième est plutôt allé dans le sens contraire. On n'a pas eu grand chose de plus à se mettre sous la dent.

Reste à mes yeux le problème de savoir le pourquoi du revirement de la famille d'Alexia. Au départ, ils étaient affectueux envers JD, puis ils ont décidé de plaider ce qu'il y a de plus sévère à son encontre. Bien sûr, on ne peut leur en vouloir de quoi que ce soit, tout ça est évidemment ingérable pour eux. N'empêche que quelque chose les a fait passer de prendre ce mec dans leurs bras jusqu'à l'accuser de préméditation. Ça peut être un problème de compréhension : comment un petit gars "normal" a pu arriver à commettre un acte aussi atroce (ils ne sont pas les seuls à se le demander). Certains vont d'ailleurs même plus loin dans l'incompréhension, en accusent JD d'avoir "fait du cinéma" quand il pleurait en mentant à tout le monde (ceux-là ne semblent pas comprendre qu'il peut être en enfer). C'est le même cas de figure qu'avec la mère de Fiona, on l'a autant accusé d'être un monstre pour ce qu'elle a fait après que pour les faits eux-mêmes autour de la mort de la petite. Comment ces gens ne comprennent-ils pas qu'ils sont pris dans un engrenage... et qu'arrêter le "cinéma", c'est passer une vie en prison ? Mais bref avec ça. Revenons au plus important. Comprendre donc que la limite entre un petit gars et un meurtrier est sans doute bien plus ténue qu'ils ne l'imaginent. Et là, on sait pas ce qu'en pensent les Fouillot. En plus, Alexia semble comme sanctifiée depuis sa mort (et ça pourrait être amplifié par la façon dont elle est morte, une sorte de martyr). Est-ce ce que dit sa mère quand elle dit à JD que lui faire des reproches équivaut à rejeter la faute sur sa fille ? Est-ce comme ça qu'ils en sont arrivé à plaider la monstruosité de la préméditation ? Je sais pas. Pourtant il existe une autre possibilité : celle qu'ils aient eu tout autre chose en tête depuis le début, jouer de tout pour faire parler JD (en allant même jusqu'à dire lui souhaiter perpétuité), mais sans avoir jamais eu plus que ça envie qu'il prenne trop cher.

C'est compliqué et je ne prétends évidemment pas connaître la vérité. Mais au vu de ce qu'on a entendu au procès, il semble y avoir 95 % de chances que JD soit surtout un gamin immature et complètement perdu. L'affaire serait alors assez simple. Elle le serait en tous cas si elle n'était pas complexifiée par l'image de l'étrangleur qu'on a du mal à oublier (sans que certes on puisse redire quoi que ce soit à ça). Si Jonathan avait donné un coup de couteau ou tué sa femme à la carabine, les choses auraient sans doute été très différentes...




Me Caty Richard, partie civile

Celle-là nous fait le même plan que l'avocate qui m'avait écœuré lors de l'affaire Fiona. Un récit larmoyant où elle tente de faire rentrer les jurés dans la peau de la pauvre fille innocente et pure, et ça dure une plombe. Vient un récit (qui me semble) délirant, à partir de l'idée que JD la droguait : Alexia aurait commencé à avoir des doutes, qui se serait transformés en certitude le jour fatidique. C'est elle qui retire son alliance pour signifier la rupture ; puis elle menace de partir tout révéler, et c'est lui qui alors l'arrête : ils se battent et il l'étrangle. Est aussi dit qu'il voudrait "la posséder" sans que l'avocate ne parle plus explicitement que ça de viol post-mortem (...) Elle finit en ces termes : "C'est l'histoire d'une jeune fille qui croyait à la vie, à l'amour. C'était un ange. Elle était aérienne. Alors je vous la confie. Prenez soin d'elle". On est en pleine collection Harlequin. Aura-t-elle convaincu un juré, deux ? L'accusation compte-t-elle l'emporter en utilisant les procédés les moins ragoûtants jusqu'à obtention, un par un, d'une majorité ? Ça me dégoûte. Et ce d'autant que rien n'a été dit ni fait durant le procès pour tenter de rechercher la vérité : chacun avait élaboré son récit dès le départ et n'en a jamais dévié, comme s'il s'agissait de convaincre les jurés, et un point c'est tout ! Non c'est pas ça, la justice...


Me Anne-Gaëlle Julien, parie civile
On vient vous livrer un puzzle géant, en vrac. Votre tâche est fastidieuse mais nécessaire. Je vous avoue que je suis perplexe à propos de Jonathan Daval. Il est encore, toujours dans la fuite. Vous n'aurez de de sa part aucune réponse sur les nombreuses incohérences qui sont criantes et qui demeurent. Les parties civiles devront s’en contenter aussi, elles n’auront pas le choix. JD qui a fait preuve d'une violence inouïe la nuit du meurtre, d'une violence aussi inouïe durant une longue période de mensonge. Les Fouillot, il leur a volé leur deuil. Pourtant il les voyait souffrir, jour après jour. JD est très serviable, mais extrêmement égocentré. Mr Daval, vous n'avez pensé qu'à vous-même.


Me Portejoie fils, partie civile
Jean-Pierre Fouillot a parlé de perpétuité, de perpétuité qu'on lui infligeait. La place des parties civiles est essentielle, parce que pendant trois ans elles ont été humiliées, martyrisées. L'opinion publique n'a pas sa place ici, elle n'a pas sa place dans un prétoire. Mais cette opinion publique, qui lui a tendu la main ? C'est JD. Il l'a attirée, nourrie, entretenue avec l'histoire de la joggeuse. Le premier alibi de Jonathan, c'est Jean-Pierre. On va le voir le matin, prendre un café. Tous ces alibis. Il est sans cesse dans le calcul, Jonathan Daval. On salit la mémoire d'Alexia. Tous ces mensonges, ça les mine à petit feu les Fouillot. Et Jonathan ? Il s'en fiche ! Et ça continue tout au long de ce procès. On a eu des excuses. Est- ce qu'on peut appeler ça des excuses. Ces excuses, Mr Daval, on ne les prend pas ! On n'a rien eu. Pas de réponses. Encore aujourd'hui, les parties civiles ne peuvent formuler que des hypothèses. Pourquoi un tel massacre. JD a gardé ses secrets pour lui. Peut-être parce que ces vérités ne sont pas entendables.
Vous allez délibérer, vous aurez quelques certitudes. D'abord, il l'a reconnu hier : il y avait cette volonté de tuer Alexia. Il l'a massacrée. 5 à 10 coups de poings. Un étranglement de 4 à 5 minutes. Voilà les certitudes que vous aurez.


Me Gilles-Jean Portejoie, partie civile

Portejoie commence par passer un bon moment à faire les louanges de la partie civile (qu'il représente). Il dit qu'il n'y a "jamais une once d'animosité dans sa bouche". Il parle d'Isabelle Fouillot et de sa façon dont elle "trouve les justes mots" pour faire avouer Jonathan. Il dit le travail qu'ils ont du faire, leur courage. Que sans eux, "on n'en serait pas là", qu'il est "fier" d'être leur avocat, qu'ils sont "admirables" etc. Puis commence enfin la plaidoirie.
Hier, j'ai essayé de vous tirer vers le haut, Jonathan, pour que vous dépassiez la version qui est toujours la vôtre depuis la reconstitution. Je veux vous dire que votre belle-famille avait pour vous une immense affection. Et qu'elle ne comprend pas aujourd'hui plus que jamais vos dénégations. C'est parce que depuis le départ que vous n'avez pas mesuré cette affection que nous mettons tout sur le tapis.
Un procès se réduit toujours à quelques certitudes précises. C'est pas compliqué un dossier pénal, c'est souvent les experts qui rendent un dossier compliqué. Vous parlez de disputes et d'humiliations, mais sans la moindre preuve ! Vous n'avez aucune preuve aujourd'hui à nous apporter de la dispute. Mais nous on a des preuves de ce que vous avez fait ! Est-ce que vous rendez compte de ce que vous avez fait ? Vous ne me regardez pas derrière votre barre.
Vous vous rendez compte de la mort ? Est-ce que vous vous rendez compte des conditions de la mort mesdames et messieurs les jurés ? Qu'est-ce qui peut justifier que l'on donne la mort comme ça ? C'est votre femme. Vous vous aimiez encore, je ne sais pas après tout. Que vous n'ayez pas eu le réflexe, à un moment, de vous arrêter. Mais non, vous continuez, vous allez au bout. Compte tenu de votre comportement, on ne veut rien oublier. On n'oublie pas non plus comment vous avez mis le feu au corps. Si vous mettez le feu au corps de votre épouse, c'est pour la faire disparaître. Brûler le corps d'une personne, c'est vouloir qu'elle n'ait jamais existé !
Comment oublier ces mensonges à répétition car ce sont des drames à répétition. Chaque fois que vous bougez dans vos version, on se prend un coup dans le coffre. Ce sont autant de trahisons. Quand on prend à témoin la France entière et qu'on lui ment, elle n'aime pas ça la France entière, elle vous en veut la France entière.
Je suis convaincu que vous n'avez pas seul l'idée du complot de Grégory. Quand on lit les textos... Les sms ? Comment on dit monsieur le président. Moi je suis de l'ancien monde. Enfin n'oublions pas le cynisme dont vous faites preuve le samedi matin. Vous faites pas l'ENA mais bon vous avez quand même un QI de 91, ce ne sont pas les comportements d'un gamin immature qu'on nous a décrit dans les expertises ! Ce sang-froid, ce cynisme, ce détachement, je vous avoue Monsieur Daval, c'est horrifiant. Horrifiant pour les parties civiles. Le gendre, aimé, tueur, massacreur, aménage son emploi du temps pour se donner des éléments de défense..
Qu'attendons-nous de vous messieurs-dames les jurés ? Là on est très modestes : une décision qui soit à la hauteur de nos souffrances. Je crois que c'est pas mal comme formule. Je vous laisse une formule de Paul Valéry. "La fonction la plus essentielle de l'être humain, c'est de créer de l'avenir. C'est ce que vous souhaite à toutes et à tous. et à vous aussi, Jonathan Daval.
[Et là c'est proprement incroyable. Tout au long du procès, cette partie civile n'a eu de cesse d'invoquer le pire : viol post-mortem, empoisonnement, préméditation, intention de tuer sur la seule base qu'Alexia aurait voulu quitter JD. Et d'un coup, plus rien : on n'a jamais vu accusation plus "gentille". Tout a disparu ! Portejoie se contente d'égrainer les faits que tout le monde connaissait avant même le procès, sans jamais revenir sur quoi que ce soit qui ait été dit pendant, sans faire jouer, sans prendre appui sur aucune de ses propres "attaques" envers JD. C'est comme si le procès n'avait jamais eu lieu ! Portejoie fait comme semblant d'être dur, dit les mots comme s'il fallait bien l'être, mais en fait il retire tout. Invraisemblable ! Serait-ce un revirement de dernière minute des parents ? Ou auraient-ils au contraire façonné une stratégie très ferme pour arracher la vérité à Jonathan, alors qu'ils n'ont jamais voulu un verdict trop dur ? On ne le saura jamais]



Réquisitoire de Me Emmanuel Dupic, avocat général
Finalement les faits ont été reconnus. Mais il fallait répondre à la question du pourquoi. Vous allez juger un crime particulièrement épouvantable, vous allez juger aussi la construction d'un mensonge. La défense vous présente un homme soumis dans son couple, humilié, qui n’avait pas d’autre choix que de commettre un massacre. Vous allez finalement juger trois morts : l'agonie d'une femme mariée, sa crémation, et l'accusation contre la famille chargée de porter ce crime.
Mon rôle est de vous présenter une synthèse de ce dossier compliqué. Je suis contraint d'évacuer tout de suite la médiatisation qui dans ce dossier a nui à l'enquête. JD a été informé quasiment en temps réel. En janvier 2018, il sait qu’il est suspect dans ce dossier et donc les enquêteurs vont entendre un homme qui a pu complètement préparer son interrogatoire.
Quand les gendarmes m'appellent pour la disparition je la prends très au sérieux tout de suite. Nous avons tout de suite des doutes. C'est la raison pour laquelle nous allons mener une perquisition dès le dimanche.[ndlr : rappelons que Dupic a aussi été le procureur du début de l’affaire ; c'est lui qui a été à l’origine des recherches du corps d'Alexia]. Je demande à la gendarmerie de déclencher des moyens très importants. Il faut retrouver le corps. Pas de corps, pas de crime. Les disparitions il faut les résoudre dans les 48h. Par chance, le 3e jour, un gendarme tombe sur un corps loin du supposé parcours du jogging indiqué par JD. Ce corps était destiné à ne pas être retrouvé, on était quasiment sur un crime parfait. Il se serait passé quoi ? On l'aurait découvert par hasard, un an après ? Comment aurait-on pu remonter à JD ? Il serait peut-être encore dans sa belle-famille.
La scène de crime est capitale. L'autopsie a parlé, la voiture a parlé, le drap a parlé, l'aérosol a parlé, on sait comment Alexia est morte. JD on l'a vu refuser de révéler le mobile. Pour la défense c'est les disputes, la bagarre. La défense vous le présente comme une personne soumise, et Alexia comme une personne qui décide de tout. Je ne partage pas cette analyse. En réalité, il l'a tuée parce qu'elle voulait le quitter, tout simplement. A sa mère, jamais JD n'a fait état de crises, de disputes. Le médecin de Jonathan, jamais il ne lui a parlé de coups d'Alexia, de disputes violentes, de soumission. Aucun élément ne permet de caractériser des crises d'Alexia qui rendraient la vie de Jonathan impossible. Donc c'est difficile de le suivre dans quelques chose qui fait cocotte-minute.
C'est un couple qui ne marchait plus, plusieurs témoins nous l'ont dit. C'est un monde qui s'écroule pour JD si Alexia met fin à la relation. Le scénario, c'est le crime parfait, qu'on ne la retrouve pas. Le mensonge, les affabulations, c'était pour rester dans le cocon familial. Ce dossier transpire le mensonge. C'est un manipulateur, un simulateur, un menteur. Il n'est pas jugé pour ses mensonges, mais ils illustrent son fonctionnement. La vérité du mobile, elle n'est pas entendable. C'est pour ça qu'il ne veut pas vous la dire. Il ne peut pas dire qu'elle voulait le quitter. Parce qu’il est épouvantable de tuer une femme parce qu’on ne veut pas qu’elle vous quitte. La place qu’il a pris dans cette famille fait qu’il ne peut pas accepter la séparation, c’est leur gamin, leur fils, c’est un monde qui s’écroule si Alexia met fin à la relation. Six versions différentes de JD dans ce dossier.
(il refait la chronologie).
Dans la fameuse vidéo de la confrontation, il refuse encore de reconnaître la crémation. Les moments de vérité, avec JD, ils sont toujours partiels. C’est encore, en fin de procès d’assises, une vérité partielle, et ça traduit le côté manipulateur depuis le début. Il transforme la réalité en fonction des circonstances. Il est très calme pendant les auditions. Il nous tient tête froidement pendant l'enquête. J'avais ouvert l'information judiciaire pour assassinat. Je n'ai pas retenu la préméditation, mais je m'interroge. La défense est sur la théorie de l'homme ordinaire qui explose. Ce n'est pas ce que disent les experts : c'est un homme qui est en maîtrise et en contrôle, qui le soir du crime est en toute-puissance envers sa compagne qui veut le quitter. Il peut devenir simulateur pour préserver son égo et éviter que son image soit écornée pour autrui, nous disait un expert. Il est capable de s'adapter. Il est dangereux sur le plan criminologique. Il faut en tirer des conséquences. Il cache une propension à la toute-puissance, nous disait un autre expert.
Certains appellent ce crime le féminicide. Mais c'est un crime conjugal particulier. Sa mort, la crémation, et puis le crime sur la famille, le mensonge. Alors quelle est la peine que nous pouvons prononcer ? C'est une peine criminelle aggravée. Il y en a peu qui sont punis de réclusion criminelle à perpétuité : crimes sur mineurs, sur ascendants, terrorisme, et depuis 1992, tuer son conjoint. Le législateur a prévu cette peine pour protéger les femmes dans le couple.
Revenons sur les faits : il l'a tabassée. Il y a ensuite l'acte criminel, la strangulation. On en a peu parlé finalement, mais c'est important. La strangulation est une asphyxie mécanique. C'est un mode particulièrement épouvantable de donner la mort. Il aurait pu décider d'arrêter. Quatre minutes. Dans une strangulation la victime se voit mourir. C'est ça que vous allez juger. L'agonie d'Alexia. Quatre minutes. Et la vie continuait pour Jonathan, sans Alexia mais dans la famille Fouillot. Alors il est difficile de ne pas s’identifier au calvaire de cette jeune femme de 29 ans massacrée par son mari. Alors, quelle peine ?
Mesdames et messieurs les jurés je vais en appeler à votre courage. Vous allez répondre oui aux deux questions de la culpabilité et je vous demande de prononcer une peine de réclusion criminelle à perpétuité

[ce que j'en pense, c'est que c'est pas une bonne idée de confier le rôle d'AG au procureur qui a mené l'enquête : qu'il semble s'être fait une opinion bien trop tôt et que du coup, il y a assez peu de chance qu'il ait jamais pris le recul pour la remettre réellement en cause et analyser le dossier avec la sérénité qui sied. Bref et quoi qu'il en soit, c'est pour moi mal pensé, laborieux. Comment par exemple parler ici de "crime parfait" ?]



Me Ornella Spatafora, défenseur de Jonathan Daval
D'ici quelques minutes, vous vous retirerez (les jurés). Nous savons tous quelle décision vous allez prendre, car cette homme ne conteste pas sa culpabilité. ll a tué cette femme, sa femme qu'il a tant aimée. Quand vous prendrez votre décision, je vous demande de ne pas oublier les cinq jours que nous avons passés ensemble. Je pense que vous disposez de toutes les cartes pour prendre la décision la plus juste. Vous l’avez compris, JD ne conteste pas les faits, mes propos visent à expliquer comment un homme comme vous et moi a basculé dans le crime. Parce qu’on ne naît pas criminel : on le devient.
Sa mère l'a surprotégé cet enfant qui semblait si fragile. Ce garçon qui dès l'enfance a une personnalité des plus fragiles vivra une étape particulièrement difficile, la perte de son père. C’est un enfant qui présente énormément de problèmes de santé, asthme, surdité, scoliose à l’adolescence. Puis le jeune garçon introverti et timide qu’il est subira les moqueries, on le surnomme à titre anecdotique "Quasimodo".
Jonathan et Alexia sont jeunes quand ils se rencontrent. Quand on est toute jeune, on est heureuse de sortir avec un garçon plus vieux, doux, affectueux et, en plus, qui plaît à nos parents. Jonathan trouvera rapidement sa place, la place du fils que les parents n’ont pas eu, au sein de cette famille. Au sein de ce couple, auprès de celle qu’il aime, il se sent peut-être pour la première fois exister. Alexia est heureuse dans cette union. Le couple s’aime. Alexia se dit : pas de souci, si je dois porter le couple, je le ferai. Elle ne se rend pas compte que le virage qu'elle essaie de donner à son couple, elle le prendra seule.
Comment faire avec un mari qui a des troubles de l’érection ? On comprend aisément en tant que femme, c’est dur. Arrive le désir d’enfant, ce sont les souhaits d’Alexia, mais Jonathan, qu’en est-il ? Est il prêt pour construire cette vie de famille ? Vous allez me dire : ils pourraient en parler, communiquer, mais il n’y arrivera jamais. Il n’arrivera jamais à lui dire qu’il n’est pas prêt. Il va faire ce qu’il sait faire de mieux : fuir et subir. Les crises, les black-out, les humeurs. Jonathan ne voyait pas cette souffrance chez Alexia. Cette souffrance, elle se voyait aussi dans sa perte de poids. Cette anorexie, mettons les mots sur les choses, ce n’est pas anodin. L’anxiété, l’angoisse prend le dessus, mais Jonathan ne perçoit pas la détresse de sa femme. Il n'y a pas de séparation comme on veut le sous-entendre. Le couple a des projets, on le voit bien. Mais la fausse-couche va mettre à néant tous les espoirs. Alexia essaie de le faire réagir, elle voudrait qu'il soit là pour elle, elle est malheureuse, elle commence à être agacée par l'attitude de Jonathan, et lui fuit de plus en plus. Et là tous les griefs seront bons contre Jonathan. Elle n'en peut plus. Et Jonathan ne comprend pas. Il est complètement absent de cette relation. L'homme parfait qu'elle avait idéalisée, il ne la comprend pas, il ne peut pas lui offrir la vie dont elle rêve. Jonathan n’a pas les armes pour affronter tout cela, alors il se réfugie ailleurs, il va voir ses parents. Le Couple s’accroche parce que le couple s’aime, jusqu’au bout le couple s’est aimé. Il ne peut pas lui offrir la vie dont elle rêvait. Vous l’avez bien compris, ce n’est pas un garçon qui a beaucoup confiance en lui. Mais quand Alexia lui dit "t’es pas un homme, pourquoi t’es pas comme ça", il n’a plus rien.
Il y a plusieurs paramètres à prendre en considération par rapport à la peine que vous devrez infliger à ce garçon. La conjugopathie [trouble psy issu de relations conjugales non satisfaisantes, ndlr] a expliqué ce crime qui n'est pas un crime de possession. Ce n’est pas un acte de sang-froid. Il n’y a pas de dangerosité criminelle, comme l’a dit l’avocat général. Je souhaiterais évacuer cette notion de dangerosité criminelle. ça n'est pas JD. Vous ne devez pas occulter que pendant 33 ans cet homme a été gentil, serviable. Je ne crois pas qu’on puisse dire beaucoup de mal de lui. C’est aussi pour ces qualités qu’ils l’ont aimé. Ça pose une question que vous devez avoir en tête pendant le délibéré : l’acte qui lui est reproché et la personne qu’il est sont-ils en adéquation ? Une peine juste n'est pas celle qui plaira aux parties civiles ou qui correspondra à l'impact médiatique que cette affaire a pu avoir. C'est celle qui sanctionnera Jonathan pour ce qu'il a fait, et l'homme qu'il est.


Me Randall Schwerdorffer, défenseur de Jonathan Daval
La perpétuité c’est une peine qu’on prononce pour les criminels les plus dangereux de la société. Ceux qui ont fait le pire. Francis Heaulme, tueur d'enfants. Fourniret. Dutroux, Guy Georges. Nous nous défendons Jonathan Daval. Quel est le point commun ? Aucun. Si, la médiatisation. On n'est pas sur ce type de crime ni de criminel - car Jonathan Daval est un criminel, il ne le conteste pas. Ce qu'on vous réclame sur les bancs des parties civiles c'est de venger Alexia. Le mensonge n'est pas puni par la loi. Vous êtes ici au nom de la loi. Vous allez juger "sans haine et sans crainte". Je n'ai pas vu Guy Georges derrière la glace de cette cour d'assises. C'est avec votre vécu, votre expérience, vos défauts aussi que vous devez analyser ce dossier. Vous n'oublierez jamais cette décision que vous allez prendre. Ce qu'on vous demande aujourd'hui c'est de juger, pas d'avoir des préjugés.
La matière criminelle, c'est difficile. C'est ahurissant ce qui s'est passé dans cette cour d'assises. On a eu des réquisitions à mille lieues des témoignages qui ont été apportés. On doit accepter dans un dossier criminel qu'on ne sache pas tout. Quand on ne sait pas tout, on ne devine pas. On n’a pas toutes les réponses, et il faut l’accepter. Vous allez juger l’affaire, mais que l’affaire : rien d’autre. Vous n’allez pas être le bras armé de certaines associations féministes. On ne juge pas un féminicide ici. C'est un meurtre, ça suffit.
Pourquoi on vous parle de viol post-mortem ? Pourquoi on vous parle de camisole chimique ? Et maintenant de rupture ? Parce que cet homme a l'air tellement normal qu'il faut le diaboliser, le rendre machiavélique pour les médias. Acceptez que ce soit juste Jonathan Daval, celui que l’on appelle un garçon, "un enfant" comme l’a dit la mère d’Alexia, elle le connaît bien.
Aujourd'hui, on est dans une société tellement moraliste, qu’oser dire qu’elle lui faisait des reproches serait un outrage à Alexia. On doit le dire : le couple n’allait pas bien, Alexia était excédée. Ça c’est la réalité ! Ce n’est pas salir l’image d’Alexia que de dire que c’était une femme comme vous, et Jonathan un homme comme vous. Ce qu'on sait d'Alexia Daval, c'est qu'à certains moment elle était agressive. Ça n'est pas salir sa mémoire de dire ça. On a le droit de le dire.
Quand on voit les sms, on constate que ça ne va pas du tout. Il peut prendre soin d’elle mais il ne pourra jamais la combler. Il a trouvé en Alexia tout ce qu’il n’avait pas chez lui. Un niveau social. Cette femme qu’il n’avait même pas osé remarquer. "Moi qui me sens tout petit". C’est énorme. Elle regarde Jonathan, et elle lui dit "tu n'es pas un homme". Tu n'est pas un homme ! (il s'est rapproché des jurés, ne parle que pour eux). Tu n'es rien, tu es transparent."
On vous annonce une préméditation ? On vous trompe, c'est de la manipulation. Il n'y a aucune préméditation dans cette affaire. Les mensonges sont tous postérieurs à ses actes. On ne juge pas un assassin comme quelqu'un qui a agi à chaud. On vous a parlé d'empoisonnement, de viol post-mortem. Honteux. Honteux ! La nécrophile maintenant. Il faut salir pour condamner JD à perpétuité. Il n'a pas le profil pour cela. Ceux qui ont agité le spectre du viol, c'est de la boucherie judiciaire. Arrêtez. Arrêtez, hypocrites ! Il n'y a pas de viol. Traqui l’a dit : pas d’éléments. Terminé !
La maison était devenue une prison pour l’un et l’autre. On était profondément malheureux des deux côtés. On vous a parlé aussi de séparation. Vous n'êtes pas là pour croire les scénarios des parties civiles ou de l'avocat général. Votre théorie est une théorie, monsieur l'avocat général. Alexia prend son traitement le soir parce qu'elle a toujours dans l'optique de faire un enfant avec son compagnon. Est-ce qu'une seule fois Alexia a parlé de divorce ? Est-ce qu'on a un seul sms qui parle de divorce ? Non. Elle est malheureuse, mais il n'y a pas de rupture. Lui, il répond toujours à côté de la plaque parce qu’il ne comprend rien ! "Bisous mon cœur, je t’aime". Les crises ça arrive dans les couples, dans n'importe quel couple. Non ça n'est pas un féminicide, ça n'est pas un crime de possession... ça vous arrangerait tellement ! C'est le crime de Jonathan Daval. Il ne se débat pas dans cette histoire conjugale, il ne part pas. Il ne peut pas.
On a disséqué la vie de Jonathan Daval. Il n'y a rien qui ait échappé aux enquêteurs. Si quelqu'un peut nous dire qu'il a eu un seul accès de violence, qu'il se lève ici. Il n’affronte pas l’autre, jamais. Il n’affronte pas la discussion, il n’est pas dans la violence. Le rapport de la neurologue : "cette patiente au tempérament anxieux se plaint de goût de fer dans la bouche, d’agressivité envers son conjoint". Ce soir-là c'est pas une crise, c'est une dispute. Jonathan Daval n'est pas un homme qui rentre chez lui et qui bat sa femme. Jonathan Daval ne ressemble tellement pas à l’acte qu’il a commis qu’il faut le déshumaniser au maximum. Il faut le salir pour l'exécuter socialement !
On n’est pas là pour croire dans une cour. L’intime conviction, ce n’est pas l’intime intuition. C’est tellement plus profond que ça. Qu'est-ce qui s'est passé ? On ne sait pas. Il s'est passé quelque chose. Sans entrer dans des scénarios délirants. Jonathan fuit. Comme toujours. Et Alexia lui dit "arrêtes de fuir !" Jonathan Daval, son fonctionnement dans le couple, c’est fuir. Ce soir-là malheureusement, il n’a pas pu fuir. Elle le retient, il la retient, peu importe, il y a une confrontation. Il faut parfois accepter la simplicité d'un dossier. On a juste une femme qui est extrêmement malheureuse, qui attend beaucoup de lui... et lui dit qu’il n’est pas un homme. Mais c’est un homme. Mais un homme fragile, mal construit, qui a été raillé, moqué, qui a des failles narcissiques immenses. Il ne peut pas avoir une conversation normale, il a une rage narcissique, ça explose. C’est ce qu’on appelle un coup de sang. Un déferlement de violence qui dure quelques minutes. Oui ça explose. Jonathan Daval n’a jamais été violent. Sauf une fois dans sa vie. La réalité du dossier, c’est que Jonathan, vous devez faire sans lui ? Parce qu’il a trop menti ? Vous ne devriez jamais croire : votre responsabilité est beaucoup plus lourde.
Une simple altercation dégénère. En découlent des coups au visage et une strangulation. C’est ça que vous jugez. Vous jugez une chose simple. Et c'est pas assez pour certains ! On veut une autre de vérité ! Il y a d'autres affaires, en ce moment, similaires à celle de Jonathan Daval, où on ne réclamera pas de perpétuité... parce qu'il n'y aura pas assez de caméras.
L'expert Caterino vient et vous dit : "c’est un obsessionnel, il a un mode fonctionnement que nous connaissons en psychiatrie. L'obsessionnel fuit, il efface. Se débarrasser du corps permet de fuir". Dans cet instant, il est passé du monde normal au monde criminel. Comment réagir ? On ne sait pas. La dissimulation du corps, la crémation, c'est pour dire "ça n'est pas moi, ça ne peut pas être moi". On peut analyser dans un fauteuil ce qu'aurait du faire Jonathan Daval. On ne sait pas ce qu'on aurait fait. N’importe qui peut se retrouver dans une cour d’assises.
Un journaliste m'a dit : "c'est glaçant maître" Mais c'est quoi ça ? Vous croyez qu'il y a des crimes pas glaçants ? Vous croyez qu'il y a des crimes sympathiques ? Tous les meurtres sont glaçants ! J'ai vu un jour un type sur un plateau télé qui disait : "on peut avoir tué quelqu'un, et toujours l'aimer".
Vous allez juger sous le seau de votre serment. Dans sa personnalité il y a des choses rationnelles et d'autres irrationnelles. On peut avoir tué un homme ou une femme et le regretter sincèrement, pleurer sincèrement. Il l'aimait profondément. Mais vous niez cela. Pourquoi ? Parce que ce serait plus simple. Tous ceux qui le connaissent l'ont dit. Il aimait Alexia.
Les gendarmes dès le deuxième jour ils ont tout. Ils peuvent l'arrêter. Ils se congratulent mais honnêtement ils peuvent le mettre en garde à vue. Et après il y a l'enterrement, la marche blanche. Pourquoi il a été surfilmé, surmédiatisé ? On guettait sa chute (Randall Schwerdorffer explique qu'il est prévenu par un journaliste que les gendarmes vont arrêter Jonathan après l'enterrement. Mais l'arrestation est annulée car trop médiatisée. Ça fait une semaine qu'il est dans le dossier). On peut tous jouer les hypocrites, mais on a vu des délires dans cette affaire Daval. C'est vous maintenant les jurés qui devez arrêter cette folie, cette hystérie, c'est votre responsabilité, votre travail.
Le passage à l’acte sur une phrase de trop d’Alexia, on ne l’excuse pas. On est tous d'accord, on ne tue pas une femme pour une remarque. Ce n'est pas le problème. On veut comprendre, car juger c'est comprendre, ce n'est pas excuser. Et on ne va pas vous demander de l'excuser, pas plus qu'on ne s'excuse d'avoir commis un meurtre.
Je vous demande de ne pas suivre les réquisitions de l'avocat général. Vous ferez fi de cette ambiance qui s'est construite autour de ce procès. Vous ne jugez pas Fourniret ou Guy Georges, vous jugez Jonathnn Daval, point. La perpétuité n'est pas adaptée dans cette affaire, on en a plein d'exemples dans la jurisprudence. Vous avez une liberté totale dans votre décision. Vous prononcerez la peine que vous estimerez juste. Vous prononcerez une peine en femmes et en hommes libres.
[merci Me Schwerdorffer, d'avoir rendu un peu de dignité à ce procès]


Les derniers mots de Jonathan Daval

Président : Monsieur Jonathan Daval, voulez-vous ajouter quelque chose pour votre défense ?
- Oui
- Allez-y.

(Il regarde la famille Fouillot et la sienne) : "Pardon.... pardon".


VERDICT : 25 ANS


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Lun 30 Nov 2020 - 12:02

Affaire Fiona (nouveau procès)

En 2016, Berkane Makhlouf est condamné à 20 ans de prison pour avoir porté des coups mortels à Fiona. Cécile Bourgeon est elle condamnée à 5 ans pour non-assistance à personne en danger et dénonciation mensongère. En appel en 2018, ils sont tous les deux condamnés à 20 ans de réclusion criminelle pour coups mortels aggravés sur Fiona. Mais la cour de cassation casse ce verdict en 2019.
Cécile Bourgeon comparaît libre (elle a effectué sa première peine de 5 ans). Elle est toujours défendue par Me Portejoie et reste sur sa ligne de défense : elle n'a jamais touché Fiona. Me Luciani remplace Me Khanifar auprès de Makhlouf : une bonne nouvelle pour ce dernier, vu la nullité de son ancien avocat.


Affaire Le Souarnec

Il est soupçonné d'être le plus grand pédocriminel de l'histoire de France. Ce chirurgien aurait fait selon la justice 349 victimes présumées, agressées notamment dans les hôpitaux où il exerçait (une dizaine d'établissements). Des agressions répertoriées pendant plus de 30 ans dans son journal intime, où selon France-Info, il décrit des agressions sexuelles sur des enfants. Ces carnets, les enquêteurs vont les retrouver dans son ordinateur, après son arrestation en avril 2017. Le procès se déroulera à huis clos.

EDIT : Le Souarnec n'était en fait jugé cette fois que par rapport à quatre plaignantes (en reste 312 pour lesquelles un autre procès suivra). Il a été condamné à 15 ans de prison.
Le procès Fiona reprend lui tout à zéro, et devrait durer deux semaines...




Dernière édition par chapati le Ven 4 Déc 2020 - 0:26, édité 3 fois

chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Lun 30 Nov 2020 - 15:05

Coupables victimes


Il est une plaidoirie d'un magistrat (Jacques Degrandi), qui dit ceci :
Pendant longtemps, les victimes ont été les grandes publiées du procès pénal. L'heureuse évolution qui se développe depuis plus de 25 ans ne doit pas se faire dans la confusion des rôles. Il est légitime que la victime ait toute sa place dans le procès. Mais il ne faut pas céder à la tentation de la transformer "de sujet passif du délit en agent martial de la répression... une dérive qui serait une mise en scène du malheur destinée à favoriser le deuil des victimes, au point de dénaturer la justice pénale transformée en catharsis. Il n'est plus exceptionnel que des acquittements ou des relaxes soient stigmatisés au nom des victimes empêchées de faire leur deuil, comme si cet objectif, que chacun peut comprendre, était l'objectif en soi d'un procès pénal. Le retentissement négatif de telles réactions est considérablement accru dans les procès médiatiques

Juger tel contrevenant à l'aune de la souffrance des victimes, c'est pile-poil le genre de revendications néo-féministes, qui ne résument les choses qu'à l'aune de la souffrance maximale qu'elles peuvent entraîner. Alors sans doute qu'il y a un mouvement de balancier à régler, et bien sûr que certaines victimes peuvent être gravement traumatisées et qu'il faut en tenir compte, n'empêche qu'on ne peut pas juger en fonction de l'impression qu'aura laissé devant le tribunal telle ou telle expression d'une douleur individuelle : ce qui doit être jugé, c'est bien un acte, un homme et un acte !

Le problème vient du décalage qu'il peut y avoir entre l'acte et les conséquences. Ce décalage existe et existera toujours, sauf envisager un coupable capable d'empathie totale vis-à-vis d'une victime. Or le problème de bon nombre d'agresseurs, c'est que c'est justement le plus souvent ceux-là qui sont en déficit d'empathie : je ne suis pas persuadé qu'un certain nombre d'entre eux passeraient encore à l'acte s'ils arrivaient à prendre conscience de jusqu'où leur acte peut être traumatisant.  

Pour avoir une chance de rédemption, il faudrait que le coupable soit à même de comprendre la conséquence de ses actes, c'est-à-dire de la souffrance réelle qu'ils peuvent produire sur la victime. C'est le seul moyen. Sinon on reste dans la morale. Mais (sauf miracle) la morale n'ira jamais plus loin que lui faire admettre qu'il n'aimerait pas qu'on lui fasse ce que lui a fait à l'autre. Et là, le problème est qu'il pourra toujours justifier que si lui-même était victime de telle exaction, il n'en serait pas pour autant traumatisé, ou "pas comme ça", ou "pas à ce point". Et si sans doute qu'il n'en sait rien, c'est en même temps crédible. La seule possibilité de comprendre la douleur, c'est de la ressentir. Mais ressentir la souffrance de l'autre, c'est de l'ordre de l'empathie, et les cours de morale n'y feront rien. Il faut être capable de douceur pour ressentir la dureté, on n'en sort pas.

Et c'est à cet endroit que le "coupable" ne peut plus être tenu pour responsable de la totalité des conséquences de ses actes, puisqu'elles dépendent de la sensibilité de la victime. Il ne peut donc pas y avoir de jugement idéal, car celui-ci devrait à la fois répondre à l'objectivité de l'acte par rapport à la personnalité de son auteur, et en même temps prendre en compte des conséquences de l'acte par rapport à celle de la victime. Or il n'y a le plus souvent aucune forme de symétrie entre les deux.


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Ven 4 Déc 2020 - 7:40

Nouveau procès Fiona (débriefing)

C'est intéressant de comparer les procès autour d'un même fait. Comment les protagonistes de la justice organisent le débat, leur façon d'être etc. Par exemple l'AG a la réputation d'être plutôt dur et le président ne mâche pas ses mots. Ça devrait pas être le même cirque que l'autre fois, où le président se permettait de faire son numéro avec les témoins. Maintenant tout reprendre, c'est fastidieux.

Pour rappel, Cécile Bourgeon est entrée à la fois en couple et dans la drogue (dure) à 15 ans, avec un type de trois ans son aîné, Nicolas Chafoulet, qui l'a depuis violemment chargé lors des procès (c'est le père biologique de Fiona et il est partie civile). Makhlouf a lui toujours été à peu près ingérable. D'après son frère, il serait un peu débile, pas assez cependant pour ne pas arriver à monter des combines pour se faire du fric, et aller jusqu'à se débrouiller pour tourner jusqu'à 5 grammes (!) de poudre par jour. Il a depuis toujours été prompt à des crises de colère, et a la réputation d'être violent, et avec ses compagnes aussi. Par contre, nombre de témoins disent qu'il adorait les enfants, et que c'était pas le genre à porter la main sur eux. Or il a été condamné au premier procès (20 ans) pour avoir porté les coups qui auraient tué Fiona. Ils ont horripilé la cour tout au long des procès en semblant mentir sans arrêt.

Bref, on a deux voyous, à l'époque camés jusqu'à la moelle, et une petite fille dont rien n'a vraiment démontré ce qui lui été arrivé, sauf qu'elle est morte et n'a jamais été retrouvée (CB et BM s'entendent pour dire qu'ils l'auraient enterrée dans un bois, sans qu'aucun ne se rappelle avec précision où). D'autre part, rien n'a vraiment prouvé (ni infirmé d'ailleurs) qu'elle était une enfant battue, même si elle manquait souvent l'école (48 demi-journées d'absence cette année-là). Il n'est pas même évident (pour moi en tous cas) qu'elle ait été battue la semaine précédant sa mort, bien que le premier procès ait conclu le contraire. Bref, on nage entre mensonges et incertitude.

Le commissaire chargé de l'enquête a déjà à nouveau témoigné. Au milieu de ce mic-mac, lui considère que les faits sont clairs, il charge à fond Mahklouf : il n'a aucun doute sur le fait que Fiona ait subi "un calvaire" en fin de vie, et que ses mauvais traitements aient commencé dès que Cécile et lui se sont mis en couple (Cécile le laissant faire). Il n'a aucun doute mais pas le début d'une preuve, donc...

Pour ce qui est de Mahklouf, je crois me souvenir qu'au précédent appel, seule Cécile était re-jugée. Il semble que cette fois les deux le soient (j'ignore pourquoi). Ils encourent la peine de 30 ans de prison.


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Sam 5 Déc 2020 - 9:39

Procès Charlie-Hebdo

On ne sait plus s'il faut parler de plaidoirie ou de réquisitoire pour évoquer l'ultime prise de parole de Richard Malka, l'avocat de Charlie-Hebdo. Ça part dans tous les sens, comme si depuis toutes ces années, personne n'avait été capable de remettre les choses en ordre à Charlie. Malka s'insurge contre couteaux et kalachnikov, mais qui ne s'insurge pas ? Il défend la liberté d'expression, mais qui ne la défend pas ? Si encore il s'adressait aux inculpés dans le box, on pourrait comprendre, mais non, c'est au delà qu'il prétend avoir quelque chose à dire. Mais quoi ? Que le blasphème, c'est la liberté d'expression ? Qu'y renoncer, ce serait "renoncer à notre histoire, à la raison, à l'égalité" (sic) ? Qui croit ces balivernes ? D'ailleurs, faudrait savoir, on peut pas à la fois titrer "tout ça pour ça" et re-balançant les crobards qui ont valu cette horreur, et plaider qu'ils sont l'essence de la démocratie ! Que dire ? On est désolé. Tout le monde est désolé pour Cabu et Wolinski (oui, je serais devenu fou moi aussi).

Il plaide encore qu'on voudrait leur faire renoncer au droit "d'emmerder Dieu". Il faudrait quand même un jour expliquer à ce garçon qu'à part la joyeuse bande de tarés qu'on sait, tout le monde s'en fout des petits crobards de Charlie ! Et deux lignes plus loin, Charlie serait devenu un symbole, une idée invincible. Quoi, les crobards ? Tout ça est absurde. Et encore un peu plus loin de nous expliquer que "renoncer à la liberté d'expression reviendrait à plonger dans le désespoir des millions de musulmans dans le monde". Charlie-Hebdo en étendard des espoirs révolutionnaires des musulmans maintenant, Malka est en plein délire.

Charlie-Hebdo est un drame : il y a ceux que ça a rendu fou et ceux qui s'arque-boutent, voulant jusqu'au bout avoir forcément raison. Non l'ami, on peut chérir la liberté d'expression sans jeter de l'huile sur le feu.


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Sam 12 Déc 2020 - 6:41

Nouveau procès Fiona (suite)

Rien de plus ne sort de ce 4° procès. Makhlouf persiste à dire qu'il n'a jamais été violent avec les enfants, et si certes il est au moins défendu cette fois, il semble que ce soit trop tard, que son sort est réglé depuis longtemps et que le procès ne s'intéresse pas plus que ça à lui (comme à chaque fois). Bourgeon elle, persiste à dire qu'il aurait porté des coups, mais sans jamais être plus précise que ça. Au cours du procès, on essaie sans cesse de lui faire dire la vérité, mais ça semble au delà de ses possibilités.

On dirait que Makhlouf, s'il essaie certes de faire reconsidérer son cas, a plus ou moins pris le parti de purger sa peine, et là (excusez-moi), j'ai presque envie de dire "avec une certaine dignité" (mais je sais être influencé par les opinions que je me suis faites auparavant des uns et des autres, et en partie en réaction à la façon dont les précédents procès se sont déroulés). Quoi qu'il en soit, s'il dit refuser être condamné pour des violences dont il refuse la paternité, ça ne semble pas l'amener plus que ça à coopérer dans le recherche de la vérité. A se demander s'il n'y aurait pas une stratégie commune de la part des accusés (ou des défenses), qui viserait à sciemment entretenir un doute dans la tête des jurés (et celle de la Cour), doute vu comme profitable à l'un et à l'autre. Une stratégie donc, qui viserait à brouiller les pistes en jouant le rejet des responsabilités de l'un sur l'autre, de façon qu'on ne puisse jamais démêler quoi que ce soit. Y a-t-il un secret inavouable (inavouable au moins aux yeux de jurés, comme par exemple l'idée que Fiona ait pu être jeté dans une poubelle et non enterrée, ce qui est semble-t-il une des hypothèses, mais qui ne résout en rien la façon dont elle est morte, soit donc ce qui est jugé ici), un secret qu'on ne pourrait révéler sans aller à l'encontre ladite stratégie ? Est-ce finalement la raison de cet imbroglio ? C'est bien difficile à dire dans cette histoire où tout semble mensonge. Cécile en particulier semble vivre dans le mensonge. Est-ce un pli qu'elle a pris pour se dépatouiller avec la vie et dont elle joue maintenant, en est-elle au stade de la mythomanie... ou même "entre les deux" ? Là encore, les choses sont difficiles à cerner.

Et le fait que l'un et l'autre aient été camés jusqu'aux yeux pendant toute cette période n'aide pas non plus, et en particulier à se faire une idée de la place que pouvait occuper Fiona (surtout chez Cécile) par rapport à un quotidien tournant visiblement essentiellement autour de la drogue. Et là et comme les autres fois, il y a un tel décalage entre le réel des junkies et l'ignorance des uns et des autres sur le sujet que les choses en redeviennent aussi pénibles qu'aux précédents procès. La Cour en est à sans cesse questionner tel ou tel psy sur l'influence que la drogue pourrait avoir dans la relation, affective en particulier, avec Fiona. On veut bien comprendre que ça l'aiderait à décider si Cécile est un monstre ou pas, et donc à se faire une idée des choses et rendre un verdict en conséquence (à défaut d'avoir quelque chose de concret à se mettre sous la dent en matière de déroulement des faits). En attendant, cette recherche occulte d'autant le quotidien de la plupart des junkies : une succession de phases bien distinctes où en manque, il y a peu de place pour quoi que ce soit d'autre (et sans doute à peine plus pour Fiona), et où en période faste les choses reprennent leur cours, et l'affectif ses droits. J'ignore si quelqu'un a clairement pointé ça durant les procès successifs, mais même si c'était le cas, j'ai peur que ce genre de choses ne parle pas beaucoup ni à la Cour ni aux jurés. Deux mondes sont face-à-face, et le mur entre les deux semble ne pouvoir laisser place qu'à des extrapolations bien loin de toute forme de compréhension de ce que peut être la réalité d'un drogué... et donc du minimum de sérénité apte à rendre un verdict équitable.

Ceci dit et comme c'est parti, on pourrait bien avoir la même sentence que lors de l'appel précédent, à savoir la même peine pour Cécile que celle prononcée dès le premier procès pour Makhlouf (20 ans). Une certaine équité serait alors (peut-être) rendue entre la peine de Makhlouf et celle de Bourgeon, mais ne nous dirait pas grand chose pour autant sur la part réelle de responsabilité de l'un et l'autre dans la mort de Fiona. Le verdict est attendu mercredi.


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mar 15 Déc 2020 - 22:12

Nouveau procès Fiona : plaidoiries et réquisitoire

Le procès se termine. On en est aux plaidoiries et au réquisitoire. Et même déversement de haine envers Cécile Bourgeon que lors du procès précédent. C'est pas qu'elle soit en rien sympathique, Bourgeon, mais certaines façons de faire me dégoûtent. On n'a rien de tangible pour dire ce qu'il s'est exactement passé, et du coup on vomit sur elle pour convaincre les jurés.
Le problème est que s'il n'y avait que la Cour à convaincre, il en serait forcément tout autrement (je ne dis pas par là qu'il faudrait supprimer les jurés, mais que certains avocats sont des minables). Plaider, ça devrait être étayer un point de vue, pas tenter de convaincre par n'importe quel moyen, fut-il inique. Et c'est encore une fois ce qui est fait.

Un avocat de Nicolas Chafoulais (ancien compagnon de Cécile Bourgeon et père de Fiona) par exemple, rapporte qu'en lieu et place de son prénom, Cécile aurait mis sur son téléphone : "grosse pute Nico". Mais qu'est-ce qu'on en a à faire ? A quoi jouent ces gens ?
Cécile Bourgeon est une mauvaise mère donc c'est un monstre, est-il dit en substance. Peut-être. Elle aurait autant frappé Fiona que Makhlouf voire plus, enchaîne-t-on. Peut-être encore. Sauf qu'il faudrait alors aller au bout de cette logique, et ajouter que Makhlouf n'est du coup pas forcément responsable de ces (éventuels) coups ayant entraînés la mort de Fiona. Mais là, bien sûr, y'a plus personne ! C'est dire comme tout le monde s'en fout de Berkane Makhlouf, et ce depuis le premier procès. L'idée est de charger Cécile autant qu'on peut et fermez le ban.
L'avocat poursuit en expliquant qu'elle serait manipulatrice et aurait tout fomenté. Vraisemblable, mais est-ce pour manipulation qu'on veut lui coller à nouveau 20 ans ? Puis il embraie avec un récit des événements qui pourrait être vrai... mais tout autant n'avoir strictement rien à voir : ici c'est l'hypothèse qu'on aurait mis Fiona dans une poubelle qui a été choisi. Si les jurés sont lecteurs de Gala, ça peut le faire, on sait jamais, alors pourquoi s'en priver ? Beurk. Cerise sur le gâteau, arrive pour clore la plaidoirie une citation de Baudelaire sur l'hypocrisie du repentir. Fallait oser quand même, passer de cette plaidoirie crade à souhait à Baudelaire, on se mouche pas du coude au palais. Ou une réminiscence estudiantine alors. Baudelaire face à Cécile Bourgeon, le jury appréciera.

L'autre avocat de Chafoulais c'est pas mieux. Il plaide lui que Fiona aurait été battue à mort parce qu'elle ressemblait à son vrai père. On est en plein délire : elle avait 5 ans ! D'ailleurs, si Fiona et son père avait été si proches, ne lui aurait-elle pas dit à un moment où à un autre qu'elle était battue... si tel était le cas, bien entendu ! Mais non, rien de tel (prendre en compte ce genre de cohérence donnerait une chance de comprendre, mais il semble encore une fois que tout le monde s'en foute, de comprendre). Là, c'est encore la poubelle qu'on plaide. Chafoulais a les mêmes avocats que la dernière fois. Et c'est ce dernier qui avait émis la dernière fois l'idée que Fiona aurait pu être enterrée vivante ! Vraiment, tout ça est infect.


Vient le tour du réquisitoire de l'AG, qui clame à tout hasard que Fiona aurait toujours été une enfant battue. Il insiste ensuite sur la manipulation et le mensonge, voire sur l'indifférence que l'un et l'autre auraient eu vis-à-vis de Fiona. Puis il embraie sur Makhlouf, qu'il charge autant que faire se peut. Enfin vient le tour de Bourgeon. Et là, voilà qu'il nous parle de "complicité" [ndlr : la notion de complicité a été introduite pour la première fois dans ce procès, et l'AG joue dessus pour faire de Bourgeon - initialement jugée et condamnée pour "non assistance à personne en danger" - une complice, ce qui est clairement plus grave]. Et d'expliquer que complicité voudrait dire qu’il y a "une différence des rôles [avec Makhlouf, ndlr] mais pas des responsabilités". Tout ça pour dire que Bourgeon risque désormais 30 ans et non plus 20.

Et de finir avec la peine requise : 30 ans pour l'un comme l'autre (la peine maximale donc).


Au tour de la défense : maître Renaud Portejoie (pour Cécile Bourgeon)

"Il n'y a rien contre elle. Pas la moindre preuve qu'elle ait porté un coup. Dans le doute, on s'abstient. Les doutes, les fantasmes, vous devez les chasser, et rechercher la confirmation de cette culpabilité. C'est le bon sens populaire qui vous a été asséné ce matin par les parties civiles : parce qu'elle est la mère, parce qu'elle n'a pas su protéger sa fille, parce qu'elle ne sait pas où est le corps de sa fille, on assume les insultes, la torture, c'est dans ce contexte que l'on réclame une décision de culpabilité. Parce que vous la détestiez sans la connaitre, avant même de la connaître, elle était déjà jugée avant même d’entrer dans cette salle d’audience. Une seule charge contre Cécile Bourgeon : la parole tardive et variable de Berkane Makhlouf. La justice ne se rend pas à l'aune du "qu'en-dira-t-on" mais sur la base d'un dossier.
Nicolas Chafoulais a toutes les raison d'en vouloir à CB. On est dans un contexte de séparation de toxicomanes. Est-ce qu'une seule fois, il aperçoit Cécile Bourgeon avoir un comportement violent ? Il n'y a rien, que du doute. Mais il faut trouver quelque chose, alors on sort la complicité aujourd'hui. Pour la première fois, cette question de la complicité est posée. Mais elle ne se ressort pas du débat. Que lui reproche l'avocat général ? Bandeau, maquillage, des absences à l'école, un certificat médical : 30 ans ? Si vous ne devez retenir qu'un terme pour établir la complicité, c'est le terme de "sciemment" : un acte positif réalisé en connaissance de cause. Un acte déterminant et délibéré. Une mère défaillante, nous en convenons. Une mère qui laisse mourir son enfant, non
".

Il demande l'acquittement de Cécile Bourgeon.


Maître Gilles-Jean Portejoie (pour Cécile Bourgeon) dit à peu près la même chose que son fils.


Enfin maître Jean-Félix Luciani, avocat de Berkane Makhlouf

"C'est un coupable bien rassurant pour la société. Il n’est pas seul à avoir menti mais doit aujourd’hui en payer le prix. C’est un coupable par défaut, parce qu’il en faut bien un. Jusqu’où lui faire payer le prix du mensonge ? Et s'il ne savait réellement pas où est le corps de l'enfant ? Cécile Bourgeon habite Clermont-Ferrand, y a grandi, et c'est elle qui conduisait. Entre les deux, c'est surement pas lui qui est le plus apte à retrouver un chemin qu'il n'a jamais regardé ?"
Me Luciani revient sur la solitude de cet homme en prison depuis sept ans, "sans visite, sans argent, sans colis". Sur son enfance : battu, déscolarisé, toxicomane...
"Est-ce qu'il est capable de violence ? Oui. Est-ce que dans son passé on trouve des traces de violences sur des enfants ? Non. Trouve-t-on des éléments qui prouvent qu'il n'est pas violent avec les enfants ? Oui". Et de lire la description par Berkane Makhlouf des violences de Cécile Bourgeon sur Fiona. Il relève que c'est précis, réaliste, contrairement aux déclarations de Bourgeon, qui ensuite va notamment donner une autre chronologie.
"Personne n'a jamais vu de violences de Bekane Makhlouf sur les filles. Personne ! Il va protéger Cécile en garde à vue parce qu'elle est la mère de son enfant. Il a voulu prendre la foudre sur lui. Et quand il s'aperçoit qu'elle le charge bien plus que lui, il se défend avec les moyens qui sont les siens, ses difficultés à faire des phrases. Aujourd'hui on vous demande de tenir pour acquis qu'il battait Cécile Bourgeon et qu'il aurait été violent avec Fiona, mais sur la base de quoi ? Des propos de Cécile Bourgeon. Vous bâtissez une accusation, alors que les témoins disent l'inverse ! Tous les éléments de preuves que vous avez sont en sa faveur, à part la parole de Cécile Bourgeon".
Pour lui, la peine proposée est aberrante. Il demande de privilégier le constat et non sa personnalité. "Il me semble que la position de doute, pour lui, concernant les coups mortels, est plausible". Depuis le début, Makhlouf nie farouchement avoir porté des coups sur Fiona. Il demande de l'acquitter des coups mortels.

[il aura fallu attendre le 4° procès pour entendre une plaidoirie digne de ce nom pour défendre Makhlouf]


Verdict : demain.

chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mer 16 Déc 2020 - 11:49

Annexe technique

Le jury se compose de 5 hommes et 8 femmes. Sont posées 14 questions [chez moi ça fait 15 mais bref] :

1 : Des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ont-elles été exercées entre le 1er et le 12 mai 2013 ?
2 : Ces violences ont-elles entraîné la mort ?
3 : Fiona était-elle âgée de moins de 15 ans ?
4 : Berkane Makhlouf est-il coupable de violences volontaires ?
5 : Le crime de violences volontaires a-t-il été commis par plusieurs personnes en qualité d‘auteurs ou de complices ?
6 : Berkane Makhlouf avait-il autorité sur Fiona ?
7 : Cécile Bourgeon est-elle coupable de violences volontaires ?
8 : Cécile Bourgeon est-elle l’ascendant de Fiona ?

Question subsidiaire : au cas où Cécile Bourgeon serait non-coupable du crime de violences volontaires, est-elle coupable d‘avoir sciemment facilité la préparation du crime de violences volontaires ?

Les questions 9 à14 concernent les délits connexes :
9 et 10 : alors que chacun des accusés pouvait porter assistance à Fiona, est-il coupable de s‘être abstenu de le faire ?
11 et 12 : Chacun des accusés est-il coupable d‘avoir recelé ou caché le cadavre ?
13 : Cécile Bourgeon est-elle coupable d‘avoir modifié l’état des lieux d’un crime ?
14 : Cécile Bourgeon est-elle coupable d‘avoir dénoncé mensongèrement l’enlèvement et la séquestration de Fiona Chafoulais ?


Les bulletins blancs ou déclarés nuls sont comptés comme favorables à l'accusé. Toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de six voix au moins lorsque la cour statue en premier ressort, et huit voix au moins en appel.

Après avoir statué sur l'ensemble de ces points, la cour d'assises délibère sur l'application de la peine. La décision se fait à la majorité des votants (toujours à scrutin secret). Toutefois, le maximum de la peine encourue ne peut être prononcé qu'à la majorité de six voix au moins lorsque la cour statue en premier ressort, et de huit voix en appel.

Si le maximum de la peine encourue n'obtient pas la majorité, ne peut être prononcé une peine supérieure à 30 ans lorsque la peine encourue est la perpétuité, et supérieure à 20 ans lorsqu'elle est de 30 ans.

Si, après deux tours de scrutin, aucune peine n'a réuni la majorité, est procédé à un troisième tour au cours duquel la peine la plus forte proposée au tour précédent est écartée... et ainsi de suite (en continuant à écarter la peine la plus forte) jusqu'à ce qu'une peine soit prononcée.


[ndlr : je recopie mais ne comprends pas bien ces "majorités" à 6 ou 8 voix, quand il est ici question de 13 jurés. On est en appel, la majorité devrait donc se ferait à 8 voix, or avec 13 jurés ça devrait être 7... ou alors le président vote aussi ? Sans doute que c'est ça...]


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mer 16 Déc 2020 - 21:02

Verdict


Cécile Bourgeon : 20 ans
Berkane Makhlouf : 18 ans



Les réponses aux questions :
1 : Des violences volontaires, ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ont-elles été exercées entre le 1er et le 12 mai 2013 ? Oui.
2 : Ces violences ont-elles entraîné la mort ? Oui.
4 : Berkane Makhlouf est-il coupable de violences volontaires ? Sans objet.
5 : Le crime de violences volontaires a-t-il été commis par plusieurs personnes en qualité d‘auteurs ou de complices ? Oui.
7 : Cécile Bourgeon est-elle coupable de violences volontaires ? Oui.


Les jurés continuent donc à ne pas prendre en compte le bénéfice du doute quant aux coups qui auraient entraînés la mort. Si jouer le doute était une stratégie commune pour ne pas prendre trop cher, c'est plutôt raté.

La bonne nouvelle, c'est que Makhlouf a enfin été pris en compte : il n'est plus vraiment désigné comme celui qui a donné les coups mortels dans la mesure où sa responsabilité est aujourd'hui considérée à l'égal de celle de Bourgeon (s'il est innocent des coups, ça devrait au moins l'apaiser un peu). Les parties civiles font un grand cinéma comme quoi c'est la responsabilité d'une mère qui devait être plus durement pénalisée et qu'elle l'a été, sauf que ça n'explique en rien la réduction de peine de Makhlouf. Il me semble qu'on peut l'interpréter autrement : que les jurés certes ne pouvaient que rester sévères face à la mort d'une petite fille dans des circonstances de toutes façons tragiques, mais ont pu faire valoir des doutes quant aux coups portés par Makhlouf, pas loin ainsi de passer lui du statut de bourreau à celui de complice *.

Portejoie a déjà dit qu'il allait se pourvoir en cassation, reste à savoir si lui-même y croit vraiment. Déjà, il lui reste à trouver un argument juridique probant pour que le jugement puisse être cassé ; de plus, ça n'a pas de sens de refaire indéfiniment le même procès dans la mesure où les positions et déclarations des deux accusés ne bougent pas d'un millimètre, et où deux fois de suite l'issue du verdict a été de 20 ans pour Bourgeon. La seule chose qui pourrait motiver un nouveau procès serait qu'une vérité intervienne qui élucide enfin et une bonne fois pour toutes ce qu'il s'est passé, mais ça impliquerait aussi de vrais aveux par rapport aux mensonges successifs qui ont étayé les procès. Sinon je vois pas bien l'intérêt.

Il semblerait que Makhlouf (et Luciani) acceptent le verdict.


* EDIT : Il pourrait y avoir un os par rapport aux questions (tant et si bien qu'elles soient correctement retranscrites). La question 5 dit que les "violences volontaires" auraient été commises par "plusieurs personnes en tant qu'auteurs ou complices". Donc Berkane comme Cécile sont visés, soit en tant qu'auteur, soit en tant que complices. Or Cécile est dite au point 7 "coupable de violences volontaires", du coup pourquoi est-il répondu "sans objet" à la même question en ce qui concerne Berkane ? C'est que cette fois on différencie bien l'auteur du complice ! Et dire "non", ç'aurait été admettre qu'il était complice et elle auteur, quand dire "oui" revenait à dire que comme Cécile, il était reconnu coupable d'avoir donné des coups. Là c'était clair. Mais pourquoi "sans objet" ?
Dit autrement, si "sans objet" correspond au fait que coupable de coups ou complices, c'est la même responsabilité et donc la même peine (comme l'a suggéré l'AG dans son réquisitoire), et donc qu'il est "sans objet" de différencier l'un de l'autre, alors à la question 7 aurait du aussi être répondu : "sans objet".

Bref, moi je veux croire que mon laïus au dessus explique le ressenti des jurés, n'empêche que ça colle pas bien, tout ça. D'ici que ça fasse vice de forme et appel...



chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Lun 21 Déc 2020 - 17:17

Affaire Daval (épilogue)

Les parents d'Alexia réclament maintenant 360.000 euros d'indemnisation à Jonathan Daval (voir ici). Et puis les oncles, et puis les tantes, et puis les conjoints des oncles, et puis les conjoints des tantes...

Je commente pas, c'est au dessus de mes forces...


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Jeu 11 Fév 2021 - 6:07

Vers un "nouveau crime" pour pénaliser toute pénétration sexuelle sur mineur de 15 ans ?

"Après avoir consulté, nous sommes favorables à ce que soit défini un nouveau crime, que tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de 15 ans soit un crime, sans qu’il ne soit plus question de consentement", a déclaré le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles, Adrien Taquet (lui et Eric Dupond-Moretti avaient été missionnés il y a deux semaines par Emmanuel Macron pour "élaborer des propositions" dans un contexte de la libération de la parole, notamment au sujet de l’inceste).

Ce nouveau crime permettrait "d’assurer une égalité de traitement de toutes les victimes mineures et de supprimer la notion de contrainte exercée par l’agresseur qui constitue aujourd’hui un frein" (actuellement, une condamnation pour viol ou agression sexuelle suppose que les juges démontrent l’absence de consentement à travers les notions de "violence, menace, contrainte ou surprise").
Pour éviter de criminaliser une relation adolescente consentie qui se poursuit après la majorité du plus âgé, le gouvernement souhaite toutefois introduire "un écart d’âge de 5 ans".

Le Sénat a adopté à l’unanimité le 21 janvier une proposition de loi visant à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de 13 ans, un seuil d’âge jugé insuffisant par les associations de protection de l’enfance. Une proposition de loi visant à réprimer spécifiquement l’inceste, sera elle au menu de l’Assemblée nationale le 18 février.

"Tout est ouvert, ce que je peux vous dire c’est que nous allons aller très vite désormais", a ajouté Taquet.

https://www.nouvelobs.com/societe/20210209.OBS39987/vers-un-nouveau-crime-pour-penaliser-toute-penetration-sexuelle-sur-mineur-de-15-ans.html[/i]

Tout ce qu'ils avent donc, c'est qu'ils vont aller très vite. Ouais, youpi ! Le mieux, ce serait de ne pas en débattre, on gagnerait encore du temps : un 49-3 ou une décision en conseil de défense et hop, efficacité. Action et décision sont les mamelles de la République.  

-Quel est le sujet à propos ?
-Peu importe : on vote et on n'en parle plus.
-Non, je disais : quel est le sujet, l'inceste ou avoir des relations avec un mineur, peut-être consentant ?
-C'est pareil, vous dis-je : on vote et on n'en parle plus.

Il y a trois semaines, on a voté un seuil de 13 ans. Ça a déplu aux néo-féministes donc on votera 15 ans cette fois, et en urgence (faudrait pas laisser une mauvaise impression à cette frange de l'électorat). A 14 ans le sexe c'est mal. A 15 ans c'est merveilleux, c'est le bonheur, l'équilibre, le mode de vie de l'occident, c'est l'universalisme, la liberté, la démocratie : la vie petit, la vie ! Pourquoi des gens se cassent la tête à penser quand les choses sont si simples : on fait un sondage, on vote, et puis c'est tout ! Et puis on aura tout le temps de réfléchir après.

Dossier suivant.



Prescription échelonnée
Sur la prescription, le gouvernement retient la piste de la prescription "échelonnée". Si un crime n’est pas prescrit pour une victime, les autres victimes du même auteur bénéficierait de cette absence de prescription, quelle que soit la date des faits, pour avoir un traitement judiciaire similaire.

https://www.gazette-du-palais.fr/actualites-professionnelles/violences-sexuelles-sur-mineurs-le-gouvernement-se-prononce-pour-un-seuil-dage-de-15-ans-et-une-prescription-echelonnee/

Cette fois, la proposition de Dupond-Moretti est bien faite : il ne s'agira plus de juger rétrospectivement d'une affaire très ancienne où c'est souvent parole contre parole et dont il est souvent impossible d'avoir une opinion tranchée (d'autant que les contextes sexuels historiques et sociaux-culturels peuvent être très différents), mais bien d'un homme qui tout au long d'une vie, n'a pas changé de comportement.

On rappelle qu'en justice, on juge un homme et non la souffrance présumée d'une supposée victime.

Ceci dit ça pose deux problèmes. Un, jugera-t-on les plaintes dans le même procès ; et si oui, les affaires antérieures n'influenceront-elles pas les jurés par effet d'accumulation ? Deux, si on veut la peau d'un type, ça peut inciter à déposer une plainte infondée pour relancer arbitrairement une affaire enterrée.


Quant à l'imprescriptibilité, je suis contre, bien sûr. Pour une fois je serai d'accord avec Caroline de Haas, il vaudrait mieux prendre en compte et juger correctement les viols, est donc appliquer sérieusement les lois, que d'en faire de nouvelles qui pourraient bien ne pas avoir plus d'effets que celles déjà en vigueur.


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Jeu 22 Avr 2021 - 12:47

Affaire Fiona (...)

Le ministère public s'est opposé à la demande de mise en liberté de Cécile Bourgeon, demandé dans la mesure où le pourvoi en cassation (qu'elle avait demandé à la suite du verdict du dernier procès) est théoriquement suspensif. Elle restera donc en prison en attendant ce qui serait un 5° procès. Sans compter que si le dernier jugement est cassé, on aurait donc un 6° procès !

L'ironie de l'histoire serait que la charge de culpabilité se renverse encore un peu plus à l'issue de celui-ci. Rappelons en effet qu'en 2013, elle avait pris 5 ans et lui 20. Puis en 2018 ils ont pris tous les deux 20 ans. Et enfin 20 ans pour elle et 18 pour lui en 2020. Que se passerait-il si au prochain procès, après donc celui en cassation, elle prenait la même peine et que celle de Makhlouf diminue à nouveau ? Comment ne pas conclure alors que la justice se déjugerait elle-même mais petit à petit, pour pas que ça se voit trop ? Bref qu'il faille en fait 6 procès (voire plus) pour avoir une chance d'avoir un verdict à peu près équitable !

https://www.lefigaro.fr/faits-divers/affaire-fiona-cecile-bourgeon-sera-t-elle-liberee-20210421

chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mar 12 Juil 2022 - 16:29

Vingt ans après...

Le ministère public a requis ce mardi que le procès de l’islamologue se déroule aux assises.

"L’information judiciaire n’a pas permis d’établir la réalité d’un complot tel que dénoncé par Tariq Ramadan mais plutôt une prise de conscience commune ayant permis à certaines d’avoir le courage de dénoncer les faits dont elles ont été victimes", note le parquet dans ses réquisitions.
La décision finale d’un procès revient aux deux juges d’instruction chargées de cette affaire.

https://www.nouvelobs.com/justice/20220712.OBS60849/tariq-ramadan-le-parquet-de-paris-demande-les-assises-pour-des-viols-sur-quatre-femmes.html


Pt'être ben que plutôt des agressions plutôt qu'un complot, donc. Drôlement précis comme conclusion. Et donc pt'être ben que plutôt les assises que le civil.
La décision revient donc aux juges d'instruction chargés de l'affaire. Bonne idée, comme ça ceux-là seront obligés de se mouiller. Autant dire qu'avec le barouf qu'ils ont fait, s'ils n'osent pas demander un procès aux pénales, pt'être ben qu'ils auront plutôt l'air de sacrés faux-culs ! Et pt'être ben même qu'on verra la suite de cette affaire un de ces quatre.
Voire la fin ? Ben si, pt'être ben !


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mar 2 Aoû 2022 - 14:35

Sauver le jury populaire

Héritage de la Révolution de 1789, le jury populaire de cour d’assises est en voie d’extinction. La participation citoyenne à la justice pénale est remise en cause par une doctrine libérale qui, plaquant sur l’institution judiciaire une logique de marché, se donne le rendement pour seul horizon et le chronomètre pour unique boussole.

Actuellement, la quasi-totalité des crimes sont jugés en première instance par une cour d’assises composée de trois magistrats et de six citoyens tirés au sort. Tel ne sera plus le cas à partir du 1er janvier, où tous les crimes punis de 15 ans ou 20 ans de réclusion criminelle (viols, violences mortelles, tortures et actes de barbaries etc) seront jugés par de nouvelles juridictions appelées cours criminelles départementales (CCD), exclusivement composées de magistrats professionnels. Si les cours d’assises avec jurés continueront à juger les autres crimes et les appels, cette réforme leur retirera 57% des affaires.

Ce n’est pas la qualité de la justice rendue par les cours d’assises qui est remise en cause – il s’agit d’une justice qui prend le temps de l’écoute, où le droit au procès équitable est généralement respecté –, mais l’incapacité de ces juridictions, eu égard au sous-dimensionnement de leurs moyens matériels et humains par rapport au nombre d'affaires à traiter, à rendre la justice avec célérité. Il est vrai que les délais d’audiencement aux assises donnent le vertige, oscillant entre quelques mois et deux années, période pendant laquelle les victimes parties civiles connaissent une attente insupportable, et les accusés une incertitude éprouvante, souvent vécue derrière les barreaux en détention provisoire.

Ces préoccupations ont conduit l’ancienne garde des Sceaux, Nicole Belloubet, à soutenir un projet d’expérimentation des CCD dans une poignée de départements. Toutefois, sans même attendre les résultats de cette expérimentation, et après deux rapports d’étape très mitigés quant à l’utilité de ces nouvelles juridictions, le ministre de la justice, qui avait accueilli les CCD avec effroi du temps où il portait la robe ("c’est la mort de la cour assises"), a défendu bec et ongles la généralisation de ces juridictions sans jurés, désormais entérinée par une loi du 22 décembre 2021, présentant la généralisation des CCD comme un acquis.

Cet effacement programmé du jury populaire, dont il est à craindre qu’il soit le prélude à sa disparition totale, porte atteinte à trois valeurs cardinales sur lesquelles repose la justice en démocratie : la liberté, la vérité, et la citoyenneté.
- Le jury est d’abord un instrument politique au service des libertés, puisqu’il protège les individus contre les excès du pouvoir dans l’hypothèse où celui-ci deviendrait tyrannique. Il est d’ailleurs remarquable qu’historiquement, le jury populaire fut souvent supprimé ou fragilisé par des régimes autoritaires, tels que l’Italie fasciste (1931), l’Espagne franquiste (1936) ou la France vichyste (1941).
- Le jury est également un instrument juridique, destiné à la manifestation de la vérité. Il repose sur une procédure marquée par l’oralité, qui prend le temps d’offrir à chaque partie et à chaque témoin ou expert l’occasion de s’exprimer, ce qui est nettement préférable aux procédures rapides qui ne cessent de se développer en matière délictuelle (ordonnance pénale, plaider-coupable, comparution immédiate, etc).
- L'accélération du temps judiciaire a pour effet d'éluder la compréhension de l'acte criminel, mais aussi de compliquer la production d'une vérité judiciaire contribuant à au rétablissement du lien social : "la durée des audiences ne doit pas être brève, ni trop professionnalisée, afin de laisser une chance au lien social de se restaurer entre les parties".
- Le jury est, enfin, un instrument de citoyenneté, puisqu’il donne l’occasion à des personnes tirées au sort de s’approprier et de trancher un problème posé à la collectivité – celui du crime. Le jury contribue également à la mixité sociale, en réunissant des personnes issues d'environnements variés pour une mission d'intérêt général.

Pour toutes ces raisons, le jury populaire doit être sauvé. Sa préservation répondrait d'ailleurs aux attentes des Français, qui sont très majoritairement favorables à l'implication des citoyens dans le processus judiciaire (82 %). Il est donc urgent de mettre un terme à l'expérimentation des CCD et de renoncer à leur généralisation. Il serait même opportun d'aller plus loin en inscrivant dans la Constitution le principe de participation citoyenne à la justice criminelle. La France rejoindrait notamment l'Italie, la Belgique, l'Espagne, les Etats-Unis, ou le Canada. Il reste désormais cinq mois au Parlement pour inverser le cours de l'histoire, et faire triompher la vertu démocratique sur l'hydre managériale.

(résumé depuis : https://blogs.mediapart.fr/benjamin-fiorini/blog/010822/sauver-le-jury-populaire)

chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mar 13 Sep 2022 - 9:40

Affaire Daval
Diffusée lundi 12 septembre au soir, la fiction en deux parties intitulé « Le mystère Daval » retrace le retentissant fait divers. Contactés par la production, les parents de la victime ont refusé d’y participer et exprimé leur désaccord. Ils prépareraient leur propre série avec Gaumont.

https://www.marianne.net/culture/television/le-mystere-daval-le-telefilm-de-tf1-suscite-des-remous-chez-les-protagonistes-de-laffaire

C'est décidément au dessus de mes capacités de commenter des trucs pareils...


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mer 3 Mai 2023 - 6:11

Affaire Ramadan


Dans un article violemment à charge à propos d'une affaire de viol jugée le 15 et 16 mai en Suisse, Libé nous apprend qu'en ce qui concerne les affaires françaises, si "les trois juges d’instruction qui instruisent l’affaire n’ont pas encore bouclé leur dossier", ce serait parce que la défense de Tariq Ramadan multiplierait les recours. A ma connaissance, c'est la première fois qu'une explication est donnée concernant cette affaire qui traîne depuis 5 ans.
Peut-être donc...
Libé croit en outre bon d'ajouter que Ramadan aurait "largement contribué à la réislamisation des deuxièmes et troisièmes générations issues de l’immigration maghrébine". Ah bon ?
Gageons en tous cas que si Ramadan est condamné en Suisse, ça retirerait une belle épine du pied aux juges français, vu l'invraisemblance du dossier côté français.


EDIT : le procès commence. J'ignore si Libé ou Le Monde nous octroie le privilège de nous livrer la version de Ramadan (articles réservés aux abonnés), elle est en tous ça lisible ici dans l'Obs.



chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mer 24 Mai 2023 - 15:22

Ramadan acquitté par la justice suisse.

Le procureur avait requis trois ans de prison, dont dix-huit mois ferme. "Le tribunal n’a pas été en mesure de se forger une intime conviction au-delà du doute insurmontable".
La plaignante a fait appel.

Quant à Benjamin Mendy, footballeur dont les journaux nous expliquaient toutes les semaines qu'une nouvelle plainte était déposée contre lui, la plupart d'entre eux n'ont pas daigné nous informer qu'il avait été reconnu "non-coupable" pour six des sept plaintes pour viol déposées, les juges anglais n'ayant pas réussi à se prononcer sur la septième affaire. Si six plaignantes sur sept sont des mythomanes, ça pourrait modifier quelque peu les estimations chiffrés du nombre de viols dont on nous abreuve sans modération...


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Jeu 16 Nov 2023 - 7:49

Affaire Dupont-Moretti (présentation des deux dossiers, pour l'essentiel tiré d'un article du Monde)

Grande première : un ministre en poste, Eric Dupont-Moretti, est jugé pour des actes commis dans l’exercice de ses fonctions. Son renvoi devant la Cour de Justice de la République fait suite à la plainte de syndicats de magistrats et de l'association Anticor. Il est soupçonné de prise illégale d'intérêts, c'est-à-dire de s'être servi de ses fonctions pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il aurait eu maille à partir lorsqu'il était avocat.

Pour Dupont-Moretti, qui a toujours entretenu des relations rugueuses avec les magistrats, c'est une instruction destinée à "salir" la réputation d'un avocat qui n'aurait pas de légitimité, pour les juges, à occuper les fonctions de ministre de la Justice.



D'abord, quelques abréviations qui reviennent :

EDM : Éric Dupont-Moretti
CJR : Cour de Justice de la République, où est jugé EDM
CSM : Conseil Supérieur de la Magistrature
PNF : Parquet National Financier
IGJ : Inspection générale de la Justice.
DSJ : bureau de Déontologie des Services Judiciaires (service du ministère qui s’occupe des magistrats)


L’affaire du juge Levrault, à Monaco

Détaché dans la principauté de Monaco, ce juge d’instruction a mis en examen des personnalités influentes dans le cadre d’une affaire de corruption : le milliardaire russe et président de l’AS Monaco Dmitri Rybolovlev, Christophe Haget, patron de la PJ monégasque, et Philippe Narmino, l’équivalent du ministre de la justice monégasque. Levrault n'a pas été renouvelé à son poste en 2019 sur demande du successeur de Narmino, qui s’est plaint auprès du gouvernement français qu'il "se permette de laisser planer des soupçons sur toutes sortes de personnes" et "souhaite enquêter à l’intérieur du palais princier de Monaco".

En retour, Levrault laisse entendre le 10 juin 2020 dans l’émission Pièces à conviction qu’il aurait été écarté pour avoir mis en cause Rybolovlev et Haget dans ses enquêtes. Haget dépose plainte pour "violation du secret de l'instruction" et demande à Nicole Belloubet, alors ministre de la Justice, que le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) soit saisi d'éventuels "manquements du juge". Il a pour avocat Eric Dupond-Moretti. Ce dernier, qui défend également des sociétés appartenant à Rybolovlev, en rajoute une couche et tempête contre Edouard Levrault, qu'il qualifie de "cow-boy". Le 26 juin 2020, Nicole Belloubet demande à ce que le Levrault soit entendu. Mais le magistrat refuse toute question, s'interrogeant sur le "fondement juridique de cet entretien".

Le 6 juillet 2020, EDM devient ministre de la justice. Le 31, sa directrice de cabinet, Véronique Malbec, saisit l’Inspection Générale de la Justice (IGJ) : une enquête administrative est alors lancée sur le juge Levrault, portant sur ses propos et sur la conduite de ses investigations à Monaco.
La décision est vivement critiquée par les magistrats. Le CSM reproche à EDM de s’être placé "dans une situation objective de conflit d’intérêts", alors même qu’il était un mois avant partie prenante de l’affaire. La défense du ministre estime que l’enquête est justifiée par le fait que Levrault n’a pas répondu à la demande du ministère d'être entendu fin juin.
 
Le rapport de l'IGJ du 15 septembre 2021 blanchit le juge. Le même jour, Levrault est renvoyé par Castex devant le CSM qui, à l’issue de son enquête, le blanchira à son tour un an plus tard, le 15 septembre 2022.

EDM a tenté de minimiser son rôle dans les poursuites disciplinaires engagées contre lui, mais l'enquête de la CJR estime qu'il ne s’est pas tenu à l’écart de ses anciens dossiers. Elle a notamment documenté de multiples rendez-vous avec des protagonistes-clés de l’affaire Levrault : il a reçu treize fois à son ministère son ancien associé Antoine Vey (qui se serait occupé du dossier Levrault) ; il a dîné avec deux hauts personnages de Monaco le jour même du premier décret de déport (23 octobre) ; il a déjeuné avec la procureure générale de Nîmes saisie de la plainte contre le juge Levrault, qui lui a envoyé un rapport une semaine après le décret de déport.


                                                                                        ***



L’affaire des poursuites disciplinaires contre le PNF

L’affaire commence début 2014. En pleine enquête sur les soupçons de financement libyen de la première campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, des juges mettent sur écoute l’ancien président sur une ligne téléphonique ouverte au nom de Paul Bismuth. Mais les policiers comprennent rapidement que quelqu’un a prévenu les intéressés de ces écoutes. Le Parquet National Financier (PNF) ouvre alors une enquête dans le but d’identifier la source de ces fuites. Dans ce cadre, les policiers épluchent les facturations détaillées (fadettes) de lignes téléphoniques liées aux protagonistes, dont celles de EDM, ami de Me Herzog.

Lorsqu’il découvre en juin 2020 que ses contacts téléphoniques ont été examinés, EDM annonce porter plainte contre le PNF pour "violation de l’intimité de la vie privée et du secret des correspondances et abus d’autorité". Le lendemain, Nicole Belloubet demande à l’Inspection générale de la justice (IGJ) de se pencher sur l’enquête.
EDM succédera à Belloubet le 6 juillet. Devenant le supérieur hiérarchique du PNF, il retire sa plainte.

Le 15 septembre, le rapport de l’IGJ demandé par Belloubet intervient, et souligne que l’enquête était légale et que les magistrats ont eu le souci "de ne pas exposer excessivement la vie privée ou le secret professionnel des titulaires des lignes". Mais le 18, soit trois jours plus tard, la directrice de cabinet de EDM, Mme Malbec, ordonne trois enquêtes administratives contre la patronne du PNF, Eliane Houlette, et deux des juges chargés de l’enquête, Ulrika Delaunay-Weiss et Patrice Amar.

EDM et Malbec se défendent d’avoir voulu obtenir des sanctions infondées contre ces magistrats. En attendant, l’enquête de la CJR démontre que c'est la veille de la réception officielle du rapport de l’IGJ que EDM a chargé une haute fonctionnaire du ministère de l'expertiser et de rédiger la lettre de mission justifiant le lancement des enquêtes. Et que le lendemain, il a confié à Sophie Rey, la secrétaire générale du CSM, qu’il avait l’intention de saisir le Conseil pour sanctionner les magistrats, avant même donc que ces trois enquêtes ne débutent.

EDM se défend en arguant d'une part qu'en ouvrant des enquêtes, il n'aurait fait que suivre l'avis de ses services (ces derniers pointant "de possibles fautes déontologiques") ; de l'autre que le bureau de déontologie des services judiciaires (DSJ) serait "intervenu" pour lui demander de saisir l'IGJ afin qu'elle lance une enquête.

Plus tard, et alors même que le rapport de l’IGJ avait conclu que les magistrats avaient "agi dans le cadre de la loi", le cabinet de Jean Castex (lequel a pris les 23 octobre et 17 décembre 2020 deux décrets dits "de déport" pour transférer les dossiers de la place Vendôme vers Matignon) interviendra (le 26 mars 2021) auprès de la DSJ pour renvoyer Eliane Houlette devant le CSM et renvoi d’Amar au disciplinaire.

La décision finale du CSM du 19 octobre 2022 a donné tort à Castex et Dupond-Moretti et a blanchi les deux magistrats, qui n’ont "commis aucune faute disciplinaire" et qu’il "n’y a pas lieu" de sanctionner.


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Ven 17 Nov 2023 - 17:44

Affaire Dupont-Moretti : le procès



A mon sens, le procès n'a pas été passionnant. Ceux en bisbille avec EDM semblaient tout occupés à livrer leur ressentiment envers EDM, quand en face on semblait gentiment venir étayer sa défense. Je ne sais pas les arcanes de l'affaire pour prétendre tout en comprendre, mais j'ai eu l'impression que rien n'avançait, qu'on ne viendrait jamais à bout de rien. Un papier de Marianne s'offusque d'ailleurs de l'attitude des jurés/juges : Obono aurait semblé un moment dormir quand d'autres regardaient le plafond ou tapotaient sur leur portable. Même genre d'impression première en ce qui me concerne, jusqu'à hésiter à raconter le procès.
Sauf que.
Ce qui m'a décidé, c'est les plaidoiries de la défense. Pas tant par amour de EDM dont, depuis qu'il est ministre, je n'ai plus l'image du type dont j'aimais bien le discours sur ce que devrait être la justice pour un avocat, mais parce que j'attendais une plaidoirie prudente, basée sur le fait qu'il n'était pas responsable de grand chose sinon d'avoir écouté ses collaborateurs, et jurant qu'il n'était en rien le personnage revanchard dont on avait fait le portrait. Sauf que je me suis fait surprendre : en guise de plaidoirie, on a eu un véritable réquisitoire à l'encontre des magistrats, et ça c'est plutôt rigolo !

(cette partie est résumée à partir d'une série d'articles de l'Obs, dont on trouve les liens en bas de page de cet article)


Jour 1 - Après donc que EDM ait expliqué le premier jour que la procédure était la suite d'un acharnement de la part des magistrats contre lui, le procès a véritablement commencé le deuxième jour.


Jour 2 - Les syndicats de magistrats plaignants.
L’affaire a souvent été présentée avec une seule alternative, soit un "règlement de compte" de EDM, soit un piège provoqué par des plaintes de syndicats de magistrats corporatistes qui n’ont jamais accepté sa légitimité. Mais une troisième hypothèse s’invite : celle d’un ministre dépassé par sa nouvelle fonction. Cette thèse est appuyée par EDM lui-même : "J’ai été informé [de ma nomination] quelques heures avant que le secrétaire général de l’Elysée ne donne la liste de la composition du gouvernement". Il évoque "les lieux qui l’écrasent", les difficultés à monter un cabinet, à "découvrir son administration", puis : "On m’a expliqué qu’il fallait une coupure entre mes activités d’avocats et les remontées d’informations sur les affaires qui les concernaient mais personne ne m’a parlé de conflit d’intérêts (...) A l’époque, je ne sais pas ce qu’est un décret de déport".

Les deux syndicats plaignants se suivent à la barre :
- Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la Magistrature (SM) au moment des faits, doit expliquer la plainte déposée contre le ministre. Au début, "les échanges sont nombreux", dit-elle, mais "nous lui indiquons qu’il se trouve en situation de conflit d’intérêts. Nous le réitérons dans une tribune dans le Monde le 20 juillet". Les alertes restent vaines. Amateurisme ? Mépris de la transparence ? La question n’est jamais posée en ces termes. Elle énumère les alertes : "On a écrit au président de la République, au Premier ministre [etc]. EDM rejette la faute sur les autres, sur les magistrats, sur son administration".
- Céline Parisot, ancienne présidente de l’Union Syndicale des Magistrats (USM), est celle qui, en juillet 2020, avait évoqué "la déclaration de guerre" : "On a compté sur la bonne foi du ministre qui nous avait dit qu’il ne s’occuperait pas des dossiers dont il avait la charge comme avocat. Mais en octobre, rien n’est réglé (...) On ne peut pas publier un décret de déport si on n’est pas en conflit d’intérêts : cette situation se produit quand un ministre admet être en conflit d’intérêts".


Jour 3 - Ulrika Weiss-Delaunay
Cette magistrate faisait partie de l’équipe du PNF ayant déclenché l'enquête destinée à chercher la "taupe" du dossier Bismuth. Elle a été visée nommément par l’enquête administrative lancée en septembre 2020 par EDM. "A cet instant débute une campagne de presse. Le Point titre 'la Nouvelle Affaire des écoutes, faut-il dissoudre le PNF' ?", témoigne-t-elle. Elle s’étrangle en lisant l’article dans lequel EDM dénonce que "certains magistrats qui n’ont plus de limites". Et quand Belloubet saisit l’IGJ, "c'est une immixtion pure et simple du pouvoir exécutif dans une enquête judiciaire, une atteinte à la séparation des pouvoirs !". La suite ne va pas l’apaiser. Le 18 septembre 2020, alors que l’enquête administrative a conclu à l’absence de fautes déontologiques, "EDM annonce l’ouverture d’une enquête disciplinaire en donnant nos trois noms : on livre nos noms à la presse ! C'est un immeuble qui s'effondre sur nos têtes". Elle dit avoir été blessée d’avoir été durant "trois ans et demi, empêchée de faire son travail", de s’être "sentie comme un zombie" tant la pression était forte. "Dans ce dossier, le ministre a vengé l’avocat", conclut-elle.

EDM répète sa défense qui consiste à affirmer qu'il a suivi les recommandations de son administration. Il cite les noms de son directeur des services judiciaires, de sa directrice de cabinet, du conseiller justice de Matignon et de la conseillère justice de l’Elysée : "ils sont magistrats aussi ! Ils n’ont pas de déontologie, ces gens-là ? Ils vous auraient fait du mal sciemment ?". L’ancienne procureure du PNF ne répond pas.


Jour 4 - François Molins.
Depuis trois ans, les accusations d'EDM le visent. "Je ne suis pas là pour régler des comptes", commence-t-il. Il témoigne de sa difficulté à subir pendant trois ans des accusations "particulièrement infâmantes", en particulier celle d'avoir porté l’accusation contre EDM car il aurait voulu être ministre à sa place.  "Je n’ai jamais ambitionné d’être garde des Sceaux. Le sujet a été évoqué une fois avec moi. Au cours d’un déjeuner, le 29 mai 2020, invité par Mme Davo (conseillère justice à l’Elysée). Elle m’a dit : ‘Seriez-vous intéressé par le poste de garde des Sceaux ?'. Je suis magistrat, pas homme politique", aurait-il répondu. En juillet, c’est donc EDM qui est nommé.

François Molins est président du CSM quand Véronique Malbec, la directrice de cabinet du ministre, l’appelle. A cet instant, EDM envisage de saisir le CSM pour sanctionner les magistrats. "Je lui rappelle que s’il veut aller au disciplinaire, il faut une enquête disciplinaire", lui répond-il. "Je ne fais que rappeler la loi. Je ne suis pas conseiller du cabinet du garde des Sceaux. Je ne suis pas là pour pallier les défaillances du cabinet".

Viennent ensuite une tribune signée avec Chantal Arens, première présidente de la Cour de Cassation, pour s’inquiéter de potentiels conflits d’intérêts, puis la plainte des syndicats de magistrats devant la CJR. La tribune a été présentée par EDM comme un coup de poignard dans le dos de la part de Molins qui, de surcroît, était maître des poursuites devant cette même CJR.
- "Vous rédigez une tribune pour dénoncer une infraction, sachant que, s’agissant d’un ministre, vous serez l’autorité de poursuite. Vous pensez quoi de cela ?", questionne Me Jacqueline Laffont.
- "Cette tribune, on l’a faite pour réveiller une conscience publique", rétorque Molins, mettant en avant sa responsabilité constitutionnelle de président du CSM d’assister le président de la République dans la garantie de l’indépendance de la justice. Peu après, il rajoute : "On aurait été lâches de ne pas la faire".

L’autre avocat du ministre, Rémi Lorrain, liste plusieurs autres épines, notamment le fait d’avoir communiqué sur son réquisitoire définitif contre Eric Dupond-Moretti en plein remaniement ministériel…

En fin d’audience, EDM lâche : "Depuis le début, Mr Molins m’a savonné la planche. Retraité, il continue. Revanchard, je ne sais pas lequel des deux l'est".


Jour 5 - Jean Castex.
Le premier ministre de l'époque affirme en connaître long des faits jugés aujourd’hui, ne serait-ce que par le décret de déport par le biais duquel il s’est retrouvé à gérer des dossiers de son ministre de la Justice. Il affirme s’être plongé dans l’enquête du PNF pour finalement décider de renvoyer deux magistrats – Patrice Amar et Eliane Houlette – devant le CSM.
Il grimace en évoquant les décisions du CSM : "Le CSM dit bien qu’il y a un acte inapproprié dommageable pour le PNF et l’ensemble de l’institution judiciaire". Il assure avoir demandé des compléments "à charge et à décharge" au rapport initial : "On voit bien qu’il y a des règlements de comptes. Le rôle du Premier ministre, c’est de veiller au bon fonctionnement de l’Etat et d’être au-dessus. Avec Véronique [Malbec, directrice de cabinet d’EDM] et Hélène [Davo, conseillère Justice de l’Elysée], nous recommandons la saisine directe du CSM. Cela règle le problème de légitimité et protège le garde des Sceaux".

Stéphane Hardouin, conseiller justice auprès de Castex, et Hélène Davo, conseillère justice auprès de Macron, sont convoqués comme témoins.
- Hardouin : "Le conflit d’intérêts, c’est privé-public mais ça peut être public-public, le raisonnement est le même si un magistrat était nommé garde des Sceaux : on imagine la difficulté qu’aurait un magistrat-ministre de la Justice à gérer une transparence par exemple" (il fait allusion au document qui liste les projets de nominations des magistrats par le ministère). Pour nous, protéger le Garde des Sceaux, c’est protéger le gouvernement, le protéger de toutes ces polémiques qui accusent l’exécutif de vouloir utiliser des services judiciaires dans des affaires politico-financières. Je dis protéger le Garde des Sceaux, j’aurais pu dire le Premier ministre. Atteindre le Garde des Sceaux, c’est atteindre le Premier ministre".
- Davo ne dit pas autre chose, mais avoue : "Aujourd’hui, tout le monde manie le concept de décret de déport avec beaucoup de dextérité. Nous avons tâtonné. Cela peut paraître incroyable mais c’est la réalité. Il fallait que l’Etat fonctionne. Nous nous sommes démenés pour trouver des solutions".


Jour 6 - Autres témoignages.
Ce mardi, le grand déballage révèle à quel point, derrière les épais murs de la place Vendôme, se sont affrontées à mots couverts des conceptions radicalement différentes de la Justice et de la magistrature. Peimane Ghaleh-Marzban était directeur à la tête des Services Judiciaires (direction du ministère qui s’occupe des magistrats). Il témoigne de l’atmosphère délétère qui s’est instaurée depuis l’arrivée de EDM, et ne cache pas que la conception de l’Etat est sa priorité. Au moment des alertes sur Mme Houlette, "j’estime qu’il faut éviter tout acte dommageable envers le PNF". Le PNF était "décrié", plaide-t-il. "Les dossiers sont d’une telle importance que tous les magistrats chargés de la lutte contre la délinquance peuvent être atteints. Nous sommes tous liés. Je ne donne pas plus de suite que cela pour ne pas déstabiliser l’institution judiciaire".

Un sénateur s’étonne de cette volonté de protéger le PNF. Le magistrat dément toute "démarche corporatiste" et rappelle qu'il voulait "une magistrature professionnelle, responsable et éthique", raison pour laquelle, il "n’a jamais hésité à lancer des enquêtes sur des magistrats (...) Quand je dis que je ne veux pas déstabiliser le PNF, ce sont les termes qui seront employés par le CSM en 2022 dans ses décisions blanchissant les deux magistrats du PNF qui avaient été poursuivis".
La tension bondit quand il ajoute : "Quand on est dans un ministère, le ministre, c’est une autorité. Imaginez quelqu’un dire : Mr le ministre, peut-être qu’il faudrait démissionner. C’est invraisemblable".

Le magistrat fait-il "son numéro", lui reproche EDM.
- Non ! Ce n’est pas un numéro, Monsieur le ministre !"
- Pfff… C’est tout ce que je dénonce depuis 30 ans.
- Je n’ai pas dit que vous deviez démissionner
- Vous avez tout fait pour que je démissionne... vous et vos syndicats
– Je n’ai pas de syndicats".

Le ton change à l’arrivée de Jean-François Beynel, ancien chef de l'IGJ. Il évoque l’indépendance, le devoir de clarté et de liberté de l’inspection vis-à-vis du garde des Sceaux. Sur le point crucial de savoir si une enquête était nécessaire sur le PNF, il a cette phrase relevée par la défense : "On a évoqué des manquements, mais qui ne pouvaient constituer une faute".
Cet axe est repris par le ministre lui-même, qui demande à l’interroger : "Monsieur le directeur, en matière pénale, on est reconnu coupable ou non coupable : c’est binaire. Au CSM, c’est différent, on peut avoir commis des fautes sans qu’elles soient sanctionnées ?".
Le directeur approuve. EDM reprend alors les termes tenus par Castex, comme quoi le CSM n’a prononcé aucune sanction contre les deux magistrats du PNF, mais a considéré dans sa décision que des "manquements déontologiques" avaient été constatés, sans que ces fautes "n’atteignent un niveau de gravité les rendant constitutives".


Jour 7 - Réquisitoire du procureur général
Rémy Heitz demande à la CJR de déclarer EDM coupable : "Ne pas reconnaître la culpabilité de Mr DM constituerait une erreur factuelle et de droit, mais aussi un signal très négatif pour ceux qui exercent une responsabilité publique : quelle confiance pour nos concitoyens si on laisse impunis de tels actes où la ligne a été franchie ?
La colère et la rancœur transpirent des paroles et des actes de EDM
".

Le "règlement de compte" des magistrats aurait été "une analyse erronée teintée de complotisme". De même, la vindicte visant François Molin pour son rôle prétendument ambigu "un récit artificiel, jamais étayé par aucun élément. Cela s’inscrit dans un procédé plus global de faire le procès de tous les autres, de tous ceux qui ont le malheur de ne pas adhérer aux thèses de la défense". Heitz requiers un an de prison avec sursis, mais déclare à la cour qu'elle peut se dispenser de la peine d’inéligibilité, normalement obligatoire en cas de condamnation, en s’en remettant à sa "sagesse".


Jour 8 - Plaidoirie de la Défense
Les avocats se sont efforcés dans leurs plaidoiries de développer la thèse d’un homme qui, une fois arrivé place Vendôme, ne se serait plus du tout préoccupé des dossiers relevant de "sa vie d’avant". A l’inverse de certains magistrats qui, n’ayant jamais accepté sa nomination, auraient tout fait pour le pousser à la démission. Pour Me Rémi Lorrain, "ce dossier n’est pas un conflit d’intérêts, c’est un conflit de désintérêt", formule qui résume la ligne de défense d’EDM. "Il faut avoir une très haute considération de soi pour penser que la première préoccupation d’un ministre tout juste nommé est de s’occuper de sa personne".

Dans ce dossier, l’avocat du ministre s’intéresse à la chronologie des communiqués diffusés par les syndicats de magistrats et le parquet général de la Cour de Cassation. Régulièrement, les dates de publication coïncident avec des événements marquants de la vie ministérielle comme, par exemple, la présentation du budget ou celle de la justice de proximité. Comme une volonté de parasiter l’action du garde des Sceaux.

Me Lorrain tient aussi à mettre en perspective les propos de l’ancienne magistrate du PNF Ulrika Delaunay-Weiss, laquelle avait, lors de son témoignage, comparé le fait que son nom soit publiquement cité avant l’ouverture d’une enquête administrative au choc provoqué par la chute d’un immeuble. "Si un communiqué, c’est un immeuble qui lui tombe dessus. Alors, c’est un arrondissement complet qui est tombé sur EDM".

Il dénonce encore la perquisition menée au ministère de la Justice en juillet 2021 durant laquelle les magistrats ne "savaient pas ce qu’ils cherchaient", ont tout "siphonné", et même "saisi des billets pour un concert de Céline Dion" ; et finit en accusant François Molins d'avoir "retenu pendant trois ans un élément à décharge qui était dans sa boîte e-mail", à savoir le courrier électronique du magistrat Jean-Paul Sudre, de la Cour de Cassation, qui avait analysé le rapport sur le PNF en septembre 2020. Le retard à livrer cette pièce est "abject", lance-t-il, "c’est Place Vendôme qu’on a perquisitionné. C’est dans le bureau de François Molins qu’il aurait fallu le faire".

"On dit qu’on respecte la parole de l’avocat ? C’est exactement l’inverse. On en fait un élément constitutif de l’infraction !". Les paroles dans les médias de l’avocat EDM en juin 2020 contre les enquêtes "barbouzardes" du PNF et contre le magistrat Edouard Levrault, qualifié de "cow-boy", constituent la pierre angulaire de l’affaire. Ce mobile ne tient pas aux yeux de ses avocats. "Comment une critique alors justifiée d’EDM sur des méthodes d’enquête contestables au PNF peut-elle être qualifiée de “tentative de déstabilisation d’une institution ?"

La défense d’EDM attaque des magistrats et des syndicats de magistrats qui "prennent la CJR pour la juridiction de la seconde chance et viennent demander ici tout ce qui leur a été refusé". Comprendre : cette démission tant désirée...

La seconde avocate commence en disant que pour ce "ministre en exercice, présumé innocent, ce procès est le procès de sa vie". Me Jacqueline Laffont est entrée dans l’équipe de défense d’EDM cet été. Depuis, elle dit avoir "constaté le vide sidéral de ce dossier" et entreprend de le faire résonner face aux parlementaires, pour leur faire entendre que "l'institution judiciaire, quand elle se sent  prise en faute, est capable d’injustice".

"Il y a dans cette affaire une part politique d’instrumentalisation de la justice de la part des syndicats, pas tous", ajoute-t-elle en citant les deux syndicats incriminés [SM et USM, voir Jour 2]. "Qui peut soutenir qu’il n’y avait pas une volonté de faire démissionner EDM ?". A l’aune de cette vision, elle compare le traitement donné par l’institution judiciaire aux signalements de dysfonctionnement au sein du PNF, et celui donné aux actions du ministre : "Beaucoup d’indulgence d’un côté et une totale exigence de l’autre".

Dans un aspect plus technique mais nouveau dans les débats juridiques entourant l’affaire, Jacqueline Laffont souligne que "l’exigence d’impartialité" ne repose pas sur le ministre au moment où il lance une enquête administrative, ce qui – même si la Cour retenait la thèse de la vengeance – permet de l’exonérer en droit.

"Je vous demande de le relaxer car il n’est coupable de rien", conclut-elle.


Eric Dupont-Moretti, invité à prendre la parole en dernier par le président Dominique Pauthe, dira n’avoir "rien à ajouter".


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Mer 29 Nov 2023 - 16:37

Eric Dupont-Moretti relaxé

Sans grande surprise, la Cour de Justice de la République a relaxé EDM. Sans grande surprise, les insoumis ont remis en cause la légitimité de ladite Cour. Sans grande surprise, les uns et les autres ergotent sur le contenu du verdict, comme quoi il n'y aurait pas eu d'intentionnalité de prise d'intérêt chez le ministre... d'où sa relaxe.

Perso j'aurais voté pour un non-lieu mais pas sûr que ça fasse partie des choix possibles. Et donc pour la relaxe, si l'on veut. Sauf que pas tant pour blanchir EDM que pour ne pas donner raison aux magistrats, puisque le choix présenté était binaire. Ce que je pense, en fait (si ça intéresse quelqu'un), c'est que EDM a voulu se faire les magistrats ; que les magistrats ont voulu se faire EDM ; et que ceux qui gravitaient autour de tout ça ont surtout cherché à se dédouaner de quelque faute que ce soit. A part ça, il ne semble en effet pas totalement incongru de vouloir se débarrasser de ce genre d'institution qu'est la CJR.


EDIT : après vérification, un non-lieu était possible. Ça a été prononcé en 2022 en faveur d'Eric Woerth, après qu'il ait accordé en 2009 un avantage fiscal à Bernard Tapie dans l'affaire du crédit lyonnais (lien)


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Sam 3 Fév 2024 - 14:53

Et frère Tariq, à propos, quelles nouvelles ?

C'est vrai, ça fait quand même six ans et demi qu'Henda Ayari a porté la première plainte contre Ramadan (20/08/2017). Qu'est-ce qu'attendent les juges pourtant si prompts à lui faire passer huit mois de préventive, la prescription des faits ? Seraient-ils par hasard moins sûrs d'eux en 2024 qu'en 2018 ? A moins qu'on attende là aussi les recommandations de la Cour Internationale de Justice pour statuer ? Et sinon, quid de la plainte qu'il a porté contre Caroline Fourest ? Là aussi on attend la prescription ? Ou peut-être que tous ces juges sont morts de vieillesse, depuis le temps : on peut pas savoir...


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Jeu 15 Fév 2024 - 19:18

L'Occident tombe dans son vice de tout juger
En 2021, Ethan Crumbley, 15 ans, assassinait quatre élèves de son lycée du Michigan (USA). Le 6 février, la justice a condamné sa mère pour homicide involontaire, estimant qu’elle avait failli à ses devoirs parentaux. (lien)
Dingue.

                                                                                           ***

Le droit étatique au n'importe quoi entériné par la justice
La plainte en diffamation de Karim Benzema contre Gérald Darmanin, qui avait affirmé que le footballeur "était en lien notoire" avec l’organisation islamiste des Frères musulmans, a été classée sans suite mardi, a annoncé le procureur général Rémy Heitz, suite à la décision de la CJR (Cour de Justice de la République, seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions). Heitz ajoute que les propos de Darmanin "ne lui imputent aucun fait qui soit de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération".

https://www.nouvelobs.com/monde/20240215.OBS84522/liens-avec-les-freres-musulmans-la-plainte-en-diffamation-de-benzema-contre-darmanin-classee-sans-suite.html
Et si Benzema raconte que Darmanin est en lien avec une organisation terroriste, il ne salira pas son honneur ?


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Sam 2 Mar 2024 - 23:26

Hamas : légitime résistance ou terrorisme ?

Trois jours après les attaques du Hamas en Israël, le gouvernement redoute une montée des tensions sur le sol français. Dans une circulaire du 10 octobre, Eric Dupond-Moretti a demandé aux procureurs une "réponse pénale ferme et rapide". Selon lui, brandir un drapeau du Hamas en manifestation peut être constitutif du délit d’apologie du terrorisme. Il estime que tombent sous le coup de cette qualification les "propos vantant les attaques, en les présentant comme une légitime résistance à Israël".

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/10/eric-dupond-moretti-demande-une-reponse-penale-ferme-et-rapide-face-a-l-antisemitisme-et-a-l-apologie-du-terrorisme_6193579_3224.html

Évidemment, le premier réflexe est de s'indigner de cette façon de jouer sur les mots avec l'emploi de "résistance", paré de si belles couleurs en France, et qui serait interdit au peuple gazaoui. Mais contrairement à ses petits camarades, EDM parle très bien français et a pris ses précautions, et c'est sans doute sur "légitime" et non "résistance" qu'il joue.
Aussi odieux qu'aient été les actes du Hamas le 7 octobre, il est difficile de ne pas aussi parler de celui-ci comme d'un mouvement de résistance face à un état que tous les gens sérieux s'accordent à dire "colonialiste" aujourd'hui. Par contre "légitime" fait jouer une ambiguïté qu'EDM a pu sciemment calculer. Déjà, en matière de justice, la "légitimité" paraît une notion plutôt floue : ça se plaide peut-être, de là à dire que ça se démontre... En outre, est-ce la résistance qui est légitime ou les attaques ? Si l'on ne peut nier que la résistance le soit, ça reste évidemment discutable quant à ce qui est de la nature des attaques, même s'il est, aujourd'hui encore, difficile de distinguer ce qui appartient au factuel de ce qui a été raconté par la propagande israélienne. Enfin qu'est-ce qui est présenté comme une faute : vanter sans ambiguïté l'attaque du Hamas, ou la présenter comme "légitime"... ce qui reviendrait à la vanter, selon EDM ? Tout ça est très ambigu.


On trouve un autre article dans la même édition du Monde :
Depuis les attaques du 7 octobre 2023 en Israël, la justice française a été saisie de nombreux dossiers, dont certains finissent devant les tribunaux. Des voix s’indignent que des débats politiques soient ainsi tranchés par des magistrats.

Mardi, le tribunal correctionnel de Grenoble a débattu d’une question aussi rhétorique qu’essentielle : peut-on qualifier publiquement les événements du 7 octobre en Israël d’actes de résistance et non de terrorisme sans encourir une condamnation devant un tribunal français ?
Mohamed Makni, 73 ans, élu municipal à Echirolles, a comparu devant une juge et a dû s’expliquer d’un statut posté sur le groupe Facebook des Franco-Tunisiens de Grenoble : "Les Occidentaux s’empressent de qualifier de terroriste ce qui, à nos yeux, est un acte de résistance évident", avait-il écrit, reprenant sans guillemets une phrase tirée d’une tribune de l’ex-ministre tunisien des affaires étrangères Ahmed Ounaïes, dont M. Makni avait posté également le lien. Renvoyé devant le tribunal pour "apologie du terrorisme", M. Makni se dit surpris d’être là. "Vous êtes un élu, une personne connue. Est-ce que vous ne pensez pas qu’en le relayant, vous ne cautionnez pas ce genre de message sans aucune précaution ?", le morigène la juge. "C’est pour attirer l’attention sur le fait qu’il y a une opinion ici et une opinion en Tunisie. C’est aux gens de se faire leur opinion", se défend-il. La juge revient à la charge : "Pour vous, attaquer des civils, c’est un acte de résistance ? "Je ne cautionne aucunement ce qui a été fait contre les civils, répond M. Makni, mais quand j’entends des responsables israéliens dire qu’il faut balancer une bombe atomique sur Gaza ou que les Gazaouis sont des animaux humains…". Face aux explications embrouillées de M. Makni, la juge le coupe : "On n’est pas là pour faire de la géopolitique ou de l’histoire".

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/02/en-marge-du-conflit-hamas-israel-une-inflation-en-france-des-procedures-pour-apologie-du-terrorisme_6219642_3224.html
Quoi que dise la juge, elle semble n'avoir pas vraiment saisi que toute cette affaire ne relève justement QUE de géopolitique ! Ou elle fait bien semblant. Ce qui démontre qu'il n'y a bien que pour Le Monde que les explications paraissent "embrouillées".

chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par chapati Ven 8 Mar 2024 - 0:08

Tariq Ramadan : le dossier fait pschitt !!!

Le parquet général demande un procès pour viol pour une seule de ses quatre accusatrices... et a requis l’abandon des poursuites concernant trois autres.
Selon ses réquisitions, le ministère public demande à la cour d’appel de Paris, qui étudiera le dossier le 29 mars, un procès devant la cour criminelle départementale pour un viol aggravé qui se serait produit à Lyon en octobre 2009 sur une femme surnommée "Christelle". Les faits dont le parquet demande l’abandon concernent d’autres femmes dénonçant parfois plusieurs viols : Henda Ayari, Mounia Rabbouj et une troisième femme. En juillet, deux juges d’instruction parisiennes avaient ordonné ce procès et abandonné toute charge concernant deux autres femmes.

https://www.nouvelobs.com/justice/20240307.OBS85407/tariq-ramadan-le-parquet-general-demande-un-proces-pour-viol-pour-une-seule-de-ses-quatre-accusatrices.html
Exit donc la mythomane et l'escort girl venue tranquillement "se faire violer" tous les mois pendant 9 mois ! Quand on pense que Ramadan a passé huit mois de préventive sur les allégations abracadabrantesques de ces nanas ! Et à propos de nanas, si l'on ne connait toujours pas les noms des juges qui lui ont fait subir cette purge, on sait au moins qu'il s'agit de deux femmes, si l'on en croit l'adjectif "parisiennes" dont l'Obs fait part. Encore une belle performance de néo-féministes !
Huit mois, c'est aussi le temps qu'il a fallu à la presse pour nous apprendre que que les juges avaient "abandonné toute charge concernant deux femmes"...
Reste donc "Christelle", celle qui est décrite comme handicapée dans le dossier. Il est vrai que c'était difficile d'abandonner absolument toutes les charges de toutes les supposées victimes après une instruction aussi vaseuse. Bref, ne reste plus qu'à attendre le non-lieu qui clôturera l'affaire et on n'en parlera plus.

Par contre, toujours pas de nouvelles des suites de la plainte de Ramadan à l'encontre de Caroline Fourest (...)


chapati
Admin

Messages : 1596
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Justice - Page 5 Empty Re: Justice

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 5 sur 6 Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6  Suivant

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum